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Swissmetal Boillat | Fermeture de La LingotièreSur lit d'amertume, l'émotion
Il est midi, chacune et chacun est à sa place. Employés de la Boillat, travailleurs externes, ramoneurs, retraités du village, en temps ordinaire cette pause valait son pesant d'or. Mais cette fois, les bons mots, les rires, l'ambiance n'y sont pas. Seul le grincement de la valse des couteaux et des fourchettes sur les assiettes déchire ce silence. Un silence pesant, qui en dit long sur l'amertume des convives. Coude à coude autour des tables, certains font comme si, comme si de rien n'était. Après tout, à La Boillat, on en a vu d'autres, et des plus coriaces. Mais par-delà une résignation obligée, il y a l'émotion, la tristesse. Une peine profonde, qui se décèle surtout dans les yeux humides des anciens. Entre eux, pour l'immédiat et surtout pour l'hiver, tant bien que mal, ils essaient de s'organiser. «On se connaissait tous» Parmi eux, il y a Denise Carnal, la doyenne certainement qui, du haut de ses 87 ans, ne comprend pas pourquoi un tel affront: «Ça fait 18 ans que je viens tous les jours manger ici. On était bien. Il y avait une bonne ambiance. On était toujours les mêmes, on se connaissait tous. Et puis, j'aimais beaucoup, et ça me faisait du bien de passer un moment avec les jeunes. Maintenant j'irai manger à La Colline (le home pour personnes âgées de Reconvilier, n.d.l.r.), car je ne peux rester seule, mais ça ne sera plus la même chose.» Un chemin que prendra aussi Robert Bratschi, et qui lui propose de l'y emmener à l'occasion, en voiture. A l'autre table, il y a «Coquin» qui, depuis 30 ans, fréquente la cantine. Lui aussi est triste, comme son pote «Köbi», tous deux anciens employés de la Boillat. Et puis à la fin du repas, partant pour leur travail dans une autre entreprise de la place, on rencontre trois copains. Pierrot vient de Bienne, il mange ici depuis 2000. Pierre habite Vicques et dîne à La Lingotière depuis sept ans; quant à Frédy, de Court, il y mange depuis 10 ans. Tous sont unanimes: «On ressent beaucoup d'amertume, de tristesse, car l'endroit était convivial. Et entre tous, il y avait une belle amitié, une complicité. Car avec les employés, on a vécu ces moments difficiles. Et puis, on mangeait si bien. Mais ce n'est évidemment rien de perdre son assiette en comparaison de ceux qui ont perdu leur travail!», renchérit Frédy. Des embrassades, des au revoir, mais surtout des montagnes de remerciements pour Zaza, âme de La Lingotière depuis plus de sept ans. Couverte de fleurs, au bord des larmes, mais solide comme un roc, elle résiste. Durant trois jours encore, elle videra et nettoiera la place. Une place déserte pour laquelle, suivant les ordres, il faudra trouver du mazout «bon marché», juste de quoi maintenir la température à 5 ou 6°. Et dans un sourire qui en dit long, Zaza de souhaiter à ses amis un joyeux et beau Noël, avant d'ajouter: «Si vous voulez voir notre vieux palmier, il est au Papilliorama!» Merci Zaza, et bon courage! Article précédent | Article suivant | Sommaire des articles Sur le même sujetLiens
Actualisé le 20.12.06 par webmaster
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