Les fonds d'investissement avalent les entreprises

Source et copyright :
24 Heures
Mercredi 13 juin 2007
Auteur : Elisabeth Eckert
Mis en vente il y a deux mois, l’Hôpital de La Tour a trouvé un repreneur. Ce sera le fonds américain Colony Capital. La satisfaction est grande à Meyrin: aucun licenciement n’est prévu et les investissements vont reprendre. A Reconvilier, par contre, le propriétaire de Swissmetal – un hedge fund – va licencier massivement.
Les deux informations datent d’hier. Elles concernent toutes deux des propriétaires d’entreprise qui prennent de plus en plus d’importance, à savoir ces fonds d’investissement, plus communément appelés dans le jargon économique «fonds de private equity» (lire la définition ci-contre). Mais là s’arrêtent les points communs. Car si à l’Hôpital de La Tour, à Genève, l’heure est à la joie, il n’en va pas du tout de même à Reconvilier ou à Dornach puisque Swissmetal vient d’y annoncer la suppression d’un emploi sur quatre. Qui sont donc ces investisseurs dont on entend quotidiennement parler et qui rachètent à tour de bras, depuis le début de l’année, des fleurons de l’économie helvétique? Ange ou démon? Agresseur ou guérisseur?

Réponse au travers des deux cas de La Tour et de Swissmetal. «Le rachat du groupe de La Tour par Colony Capital est une excellente nouvelle pour nous», déclare d’emblée le directeur général du groupe, James Bissell, qui a accompagné le destin de l’hôpital depuis vingt-cinq ans. Ah bon, vraiment? «Non seulement Colony nous a garanti le maintien des quelque 900 emplois du groupe médical ainsi que celui de son management. Mais le fonds américain s’est également engagé à reprendre les investissements nécessaires à la modernisation et à l’agrandissement de notre hôpital», explique encore James Bissell.

50 millions de travaux

Ces travaux, d’une valeur de 50 millions, avaient été stoppés en novembre 2006 après que le précédent propriétaire, le géant de la santé américain HCA, se fut lui-même vendu à trois fonds d’investissement pour 33 milliards de dollars et que ces derniers eurent voulu «se refaire» en cédant quelques-uns des actifs de HCA, dont La Tour.

Les dirigeants de l’hôpital privé genevois ne craignent-ils pas dès lors un démantèlement ou une pression à l’hyperrentabilité de la part de Colony Capital? «Non, rétorque James Bissell. Nous avons trouvé en eux des partenaires industriels qui comptent bien accompagner et développer La Tour.»

Il est vrai que Colony Capital est loin d’être un fonds de private equity inconnu. Fondé en 1991 autour de caisses de pension américaines et de fortunes privées, ce fonds a déjà investi près de 30 milliards de dollars, dans l’immobilier surtout. Il vient encore de se distinguer en rachetant pour 4 milliards de dollars le groupe pétrolier libyen Tamoil et s’intéresse de près au géant de l’alimentaire français Carrefour.

Voilà donc, pour l’heure, les excellentes nouvelles genevoises. Mais dans le même temps, la douche est vraiment glacée dans le Jura, où Swissmetal s’apprête à supprimer 153 des 606 emplois que compte le groupe métallurgique. Si Swissmetal a fait, ces deux dernières années, beaucoup parler de lui du fait de deux grèves successives à Reconvilier et d’un directeur – Martin Hellweg – optu, on sait moins que depuis juin 2006, Swissmetal a pour principal actionnaire un fonds d’investissement britannique Laxey.

Même le G8 s’inquiète

Et que c’est ce dernier qui commande. Or, là non plus, Laxey n’est pas un inconnu. Fort d’une «fortune» de plusieurs milliards de francs, Laxey s’est déjà «attaqué» en Suisse à Saurer, qu’il vient de revendre à OC Oerlikon avec une jolie plus-value. Laxey contrôle également Vögele et vient de se lancer dans un raid inamical contre Implenia (ex-Zschokke).

Ange ou démon? C’est donc selon. Pour le patron de Swissmetal, Martin Hellweg, cela ne fait pas un pli: «Si l’arrivée d’un fonds de private equity peut apporter de bonnes idées, générer les changements nécessaires et donner davantage de valeurs à une entreprise, c’est une excellente chose.»


Face à cet enthousiasme, les syndicats ne sont pas chauds. A l’instar de Philip Jennings, secrétaire général d’Uni Global Union, ils accusent notamment ces fonds «d’assainir les entreprises dans le seul but de réaliser un profit rapide, au mépris des employés et autres actionnaires». Ces grands trous noirs, échappant aux règles communes de la finance, viennent d’ailleurs d’inquiéter tout récemment les dirigeants du G8, qui réfléchissent à les museler davantage.

 


Article précédent | Article suivant | Sommaire des articles

Portraits

Portrait de Laxey Partners
Portrait de Martin Hellweg

Sur le même sujet :

Actualisé le 17.06.07 par webmaster
Haut de la page | Page précédente | 'Imprimer la page dans un format adapté à l'imprimante