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«Pas un kilo ne sortira de l'usine »
Mais les nombreux grévistes présents, informés la veille au soir par la direction de cette opération, ne l'entendaient pas de cette oreille. A l'intérieur de l'usine, derrière la porte de chargement, un camion bloquait l'accès. Et à l'extérieur, quelques voitures empêchaient également le passage. Responsable du secteur Fonderie dans le nouvel organigramme de Swissmetal, Sylvain Petitdemange et son collègue Wilfred Hirschi, chef du service Finition, ont bien tenté de discuter avec les grévistes, en vain. Comme l'a indiqué Sylvain Petitdemange, les 40 tonnes d'alliage spécial dont Dornach a besoin sont destinées à fabriquer des tuyaux destinés à des axes de moteur Diesel. Il a précisé que «pour l'heure, c'est la seule livraison dont nous avons besoin pour honorer les commandes de ce client». Les esprits s'échauffent Constatant que tout chargement était impossible, les deux responsables ont fait appel à la police. Une situation qui a quelque peu échauffé les esprits. Plusieurs grévistes leur ont très clairement fait savoir que «pas un seul kilo ne sortira de l'usine aussi longtemps que durera la grève». Un autre s'en est pris vertement à Wilfred Hirschi, le traitant de «jaune» qui fait le jeu de la direction. Un autre encore a déploré le manque de courage des collègues de Dornach: «C'est vraiment malheureux d'en arriver là, mais on n'a pas le choix. Et si on est mal barré, vous, à Dornach, l'êtes tout autant!» Finalement le policier municipal Bernard Füeg est arrivé sur les lieux. Il a tout d'abord constaté que les deux camions obstruaient en partie la voie publique et créaient une situation dangereuse, d'autant que plusieurs camions circulent régulièrement cette rue. Il a donc demandé aux deux chauffeurs d'aller parquer leur véhicule ailleurs - ils sont allés sur la place de stationnement du restaurant du Moulin - dans l'attente d'une solution, faute de quoi il se verrait dans l'obligation de leur coller une amende. Et lorsque le maire de Reconvilier, Flavio Torti, est arrivé sur place, Sylvain Petitdemange lui a clairement fait savoir qu'il était dans son droit. La matière appartient en effet à l'entreprise et si les camions ne peuvent emporter leur cargaison, un constat officiel doit être établi. Ce qui a été fait (voir texte ci-dessous). Mais comme le relevait un des grévistes, il est tout de même surprenant que la direction veuille venir chercher de la marchandise, alors même que les Securitas présents dans l'usine ont reçu l'ordre de ne rien laisser sortir, et qu'aucun contre-ordre ne leur a été donné. Hier en début de soirée, les deux véhicules ont finalement quitté Reconvilier pour rentrer sur la région bâloise, mais à vide. Question d'interprétation Les grévistes n'ont pas été déstabilisés par l'arrivée des deux camions. Toujours aussi déterminés, ils ont décidé de poursuivre leur mouvement. En dépit de la tentative de la direction générale de faire charger deux camions avec remorque, hier matin, l'ambiance était plutôt détendue lors de la séance de l'après-midi. Président de la délégation du personnel, Nicolas Wuillemin a expliqué à ses collègues que la tentative avait échoué. Il a estimé que l'intention de la direction était claire: faire constater de manière officielle que les grévistes bloquent bel et bien tout mouvement de matière. Une démarche qui va sans doute lui permettre d'intervenir auprès d'un juge. Cela étant, il a constaté que les grévistes ne devaient pas encore s'inquiéter, dans la mesure où la justice n'est pas aussi expéditive que la direction le souhaiterait. Après les tergiversations de la direction générale à propos de la table ronde organisée le matin même, avec Unia et l'association patronale Swissmem, Nicolas Wuillemin a rappelé qu'il s'agissait d'une rencontre préalable destinée à définir le cadre des négociations futures. Des négociations qui, a-t-il asséné, «se feront avec nous!» A propos de la manifestation de soutien de la veille, qui a mobilisé près de 6000 personnes, il a souligné que c'était quelque chose de très encourageant, mais il a rappelé que cet appui populaire n'est sans doute pas suffisant pour impressionner le CEO Martin Hellweg. Dans tous les cas, il a enjoint tous ses collègues à rester vigilants, soulignant qu'il faudra sans doute renforcer les effectifs des piquets de grève durant la nuit et le week-end. Un gréviste a interpellé Nicolas Wuillemin pour savoir avec quels chefs les ouvriers retravailleraient lorsque la grève prendra fin. «Impossible de le dire aujourd'hui! Cela dépendra des négociations qui s'engageront, mais pour le moment, nous ne savons même pas avec qui nous aurons à négocier.» Pour sa part, le président de la commission d'entreprise, Mario Grünenwald, a donné lecture du constat dressé le matin même. Selon Sylvain Petitdemange, la matière n'a pas pu être chargée en raison du blocage des portes d'accès par des véhicules privés, et de la présence d'un camion à l'intérieur qui bloquait le passage. Chef de projet de Swissmetal et ancien directeur du site, Patrick Rebstein a constaté que «pour les grévistes de Swissmetal Boillat, la fonderie de Dornach est un client au même titre que les autres clients du groupe. Du moment que les autres clients du groupe ne sont pas livrés, il en va de même pour Dornach.» Par ailleurs, il a été constaté que les hommes de Securitas placés par la direction dans l'usine pour empêcher toute sortie de matière n'avaient pas reçu d'ordre différent. De surcroît, le système informatique SAP de l'usine Boillat étant déconnecté, il est impossible d'enregistrer la sortie de la matière. En outre, le camion de l'entreprise n'a pas été stationné là de manière intentionnelle: il s'y trouve parce que cet endroit sert de garage. Enfin, le chargement n'aurait de toute façon pas pu être effectué, car il requiert la présence de liftiers qui sont en grève. Finalement, «ce sont uniquement des problèmes techniques qui ont empêché». Sylvain Petitdemange a quant à lui indiqué que les agents de Securitas avaient été informés de cette prise en charge de matière, que le système SAP était géré depuis Dornach en raison de la grève, et que des liftiers accompagnaient les chauffeurs. Et quand Mario Grünenwald a demandé aux grévistes s'ils souhaitaient poursuivre leur mouvement, une énorme clameur a retenti dans l'usine 2. Article précédent | Article suivant | Sommaire des articles
Actualisé le 19.11.06 par webmaster
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