Les six vérités de la direction de Swissmetal

A la tête du groupe industriel, Martin Hellweg défend sa stratégie et dénonce un complot.

Source : Le Temps
Date : vendred 3 février 2006
Auteur : Jean-Claude Péclet
Copyright : Le Temps
Il est le patron le plus détesté du moment. Tandis que Martin Hell weg cherche une prise pour son ordinateur dans le lobby d'un hôtel zurichois – expliquer, expliquer encore – 5000 manifestants le conspuent à 150 km de là, à Reconvilier.
Non, ce mercredi soir 1er février, le directeur général de Swissmetal ne songe pas à jeter l'éponge. «J'ai grandi près de Essen, la région de l'acier, où des grèves éclataient tous les trois mois.»

Non, il ne songe pas davantage à démanteler la Boillat, ancien nom de l'usine de Reconvilier. «Ce n'est pas dans nos intérêts. Je crois au succès de Swissmetal. Aurais-je acquis 88000 actions à titre personnel si ce n'était pas le cas?» L'homme s'exprime calmement, sait aussi écouter. De près, il ne ressemble guère au «manager à l'intolérable arrogance» que fustige au même moment le syndicaliste Paul Rechsteiner sur le parking de Reconvilier.

Jeudi, les grévistes ont reconduit leur mouvement et bloqué l'accès de l'usine à plusieurs camions venus y chercher du matériel. Des représentants des salariés et de la direction se sont rencontrés le matin à Zurich pendant plus de quatre heures. Les discussions ont repris dans la soirée.

De son côté, Martin Hellweg est convaincu d'avoir étudié son dossier pour offrir un développement raisonnable à Swissmetal, au lieu de voir cette entreprise (200 millions de chiffre d'affaires, 700 employés) se replier sur un marché de niche en perdant peu à peu sa compétitivité. Au 10e jour de la seconde grève paralysant le site de Reconvilier – et bientôt celui de Dornach, empêché de s'y approvisionner – il expose ses arguments, qui sont aussi ceux du président du conseil d'administration Friedrich Sauerländer.
  • La Boillat n'est pas vidée de sa substance
Elément déclencheur de la seconde grève, le transfert prévu de la fonderie de Reconvilier à Dornach, distant de 60 km, permet une utilisation plus rationnelle et des économies d'énergie. Un tiers de sa production ira à Reconvilier, où 4 millions de francs ont été investis en 2005, contre 3,2 millions à Dornach. A titre d'exemple, un nouveau système électronique pour une presse Loewy, coûtant 400000 à 500000 francs, était en cours d'installation à Reconvilier au moment de la grève. On travaille aux plans pour y ouvrir un centre de distribution. Par ailleurs, la caisse de pension d'entreprise possède 200 appartements à Reconvilier. Fermer le site ferait chuter leur valeur et pèserait sur ses finances.
  • La Boillat n'est pas toujours le «fleuron» que l'on décrit
Entre 1997 et 2003, la valeur ajoutée des deux usines a été négative, sauf en 2000 pour Reconvilier. Sa rentabilité n'est que de peu supérieure à celle de Dornach. Sans doute les installations de Dornach sont-elles plus vétustes, mais le savoir-faire est tout à fait conforme aux standards. Pour preuve, l'alliage «vedette» C97 travaillé à Reconvilier est fondu à Dornach. «A Reconvilier, on vit trop dans le passé en répétant que nous sommes les meilleurs», dit Friedrich Sauerländer. En réalité, la productivité y est insuffisante, certaines machines récemment installées (une Wertli, en 2000) fonctionnent mal. «Si nous n'améliorons pas les synergies entre les deux sites et n'abaissons pas les coûts de production à Reconvilier de 20 à 30%, cette usine sera mise hors jeu par le marché dans deux ans. Les concurrents sont moins chers, et la qualité de leurs produits s'améliore.» Certains industriels de la région vantent en public le «fleuron» Boillat... tout en se fournissant auprès d'un concurrent chinois.
  • Des critiques téléguidées
Aux industriels du décolletage qui l'attaquent ouvertement, Martin Hellweg répond que «nous traitons 15000 commandes par an, réparties à peu près également entre les continents européen, américain et asiatique. L'essentiel de mon énergie depuis une semaine consiste à tout faire pour qu'elles soient honorées. J'ai commencé par les gros clients, en leur réexpliquant notre stratégie pour les rassurer». Le patron de Swissmetal avoue ne pas avoir eu de temps pour faire de même dans la région. Il s'étonne par ailleurs d'entendre toujours les mêmes critiques, formulées avec les mêmes mots, et soupçonne fortement d'anciens cadres et quelques cadres actuels – qu'il refuse de nommer – d'entretenir une atmosphère de complot autour de l'entreprise, voire d'intimider ceux qui soutiennent la direction. Deux employés auraient ainsi été «interdits» de présence lors de l'assemblée qui a décidé la grève.
  • Seule, la Boillat en a pour deux ans tout au plus
Certaines approches dont elle a été l'objet font dire à la direction que des personnes, à Reconvilier et alentour, s'emploient activement à faire basculer Swissmetal pour provoquer un «management buy-out» de la Boillat par une partie des cadres, avec l'appui financier de sociétés régionales (des grands groupes horlogers?). Pour Friedrich Sauerländer, ce scénario jusqu'au-boutiste ne résout pas le problème de fond (rentabilité insuffisante). Surtout, le temps qu'il se réalise, une grande partie des clients et des meilleurs employés seront passés à la concurrence. C'est un suicide.
  • On sortira de l'ornière en négociant
La direction ne veut pas employer la force. Elle sait d'ailleurs que la police, à qui elle a dénoncé la grève illégale vendredi, en prononçant un lock-out défensif, refuserait d'intervenir. De facto, Reconvi lier est en ce moment une zone hors la loi. L'issue ne peut venir que de négociations. Reste à savoir sur quoi elles peuvent porter. La proposition d'un médiateur «industriel» est accueillie avec circonspection, car ce pourrait être un moyen détourné de remettre en cause l'ensemble des choix industriels de Swissmetal.
  • Les investisseurs nous suivent
Leur soutien est «extraordinaire», assure la direction. Le fait qu'OZ Bank soit passée sous les 5% de capital-actions récemment n'est pas significatif, elle a déjà franchi plusieurs fois la barre dans un sens ou dans l'autre. D'autres investisseurs (Swisscanto) sont arrivés récemment. Le prix de l'action est monté de 9 à 16 francs ces derniers mois. Le retour sur le capital investi a nettement augmenté ces trois dernières années. «Au final, ce sont ces chiffres qui sont déterminants.»



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