Swissmetal Boillat : le four de recuit a explosé

Source et copyright :
Le Journal du Jura
Jeudi 17 avril 2008
Auteur : Philippe Oudot
Lundi au petit matin, une explosion a retenti dans l’usine 1. Comme 18 mois plus tôt, la déflagration semble due à de l’hydrogène entré en contact avec l’air dans le four Solo. Propulsé en l’air, un couvercle de métal a traversé le plafond.
Lundi matin, vers 3h30, dans le village de Reconvilier paisiblement endormi, une forte explosion a déchiré le silence de la nuit. «Ça m’a réveillé en sursaut! Au début, j’ai pensé qu’une voiture avait percuté un mur ou quelque chose. Je suis sorti, mais il n’y avait rien. J’ai simplement entendu le chien de la voisine qui aboyait. Je suis allé me recoucher», indique un voisin, qui habite à proximité de l’usine 1.

Ce gros bruit, c’est en fait le four de recuit Solo qui a partiellement explosé. Ce four est une installation complexe utilisée pour ramollir la matière durcie lors des opérations de déformation, afin de pouvoir continuer à la travailler. Pour obtenir une surface brillante, ce four travaille sous atmosphère neutre, avec de l’hydrogène. Un gaz très volatile et explosif lorsqu’il se mélange à l’air, surtout lorsqu’il a été chauffé (voir «Avec l’hydrogène, gare aux explosions»). Comme l’indique un ancien collaborateur de la Boillat qui connaît bien cette installation, «c’est sans doute ce qui s’est produit».

Par chance, personne ne se trouvait à proximité de l’installation au moment de l’explosion. Sous l’effet du souffle, son couvercle de métal, fixé par des boulons de 10 mm de diamètre, a été projeté en l’air, crevant le plafond situé dix mètres plus haut. «Il aurait pu y avoir un mort!», commente un employé.

Ce n’est pas la première fois qu’un tel incident survient sur cette installation. Il y a environ 18 mois, donc après la grève et le licenciement d’une bonne partie des opérateurs, ce four Solo avait déjà connu le même type de problème. A cette époque, il était installé dans l’usine 2.

L’ancien collaborateur ne se dit pas très étonné par ce qui est arrivé. «C’est une installation très délicate, et il suffit de très peu de choses pour qu’une fuite d’hydrogène se produise. Il y a sans doute eu malfaçon quelque part lors du déménagement», analyse-t-il. Et de relever qu’autrefois, la Boillat disposait d’un département de maintenance et de contrôle qui fonctionnait, avec des gens compétents. «Or, après la grève, tout cela a quasi été liquidé par Swissmetal. Pour moi, on peut s’attendre à ce que ce genre d’incidents continue. Avec tous les problèmes de sécurité que cela pose pour le personnel.»

Le JdJ a appelé Swissmetal pour poser quelques questions. Notamment pour savoir comment la direction expliquait cet incident, combien de temps allait durer la réparation, quelles seraient les conséquences sur la production, que comptait faire Swismetal à l’avenir pour éviter que de tels incidents se reproduisent, etc. Son porte-parole Sam Furrer s’est refusé à tout commentaire. «Nous n’avons rien à dire. Tout ce qui se passe dans nos murs relève des affaires internes à l’entreprise.»

Avec l’hydrogène, gare aux explosions!

Le four Solo est une installation longue d’une trentaine de mètres. A l’entrée, le fil enroulé sous forme de torche est d’abord redressé avant de passer dans le four proprement dit. L’avancée dans le four est réglée en fonction du type d’alliage et du diamètre du fil. Pour obtenir ce que les spécialistes appellent un «recuit brillant», le four doit être exempt d’oxygène, afin d’éviter toute oxydation. Pour cela, explique l’ancien employé, on travaille avec de l’ammoniac (NH³),qui est chauffé dans un espace hermétique à plus de 800° afin de disloquer les molécules. Par cette opération appelée craquage thermique, on obtient deux gaz: de l’azote (N) un gaz inerte, et de l’hydrogène (H). L’azote, qui est le principal composant de l’air (78%), est rejeté dans l’atmosphère, alors que l’hydrogène va être utilisé pour l’opération de recuit. Cet hydrogène est ensuite éliminé sous contrôle par combustion sur une torchère. Comme le relève notre interlocuteur, le four Solo est équipé de toute une batterie de détecteurs à plusieurs endroits, car la moindre fuite peut conduire à une explosion. A ses yeux, il n’y a pas de doute: c’est bien une fuite d’hydrogène qui est à l’origine de l’explosion.

Procédures

Que dit la loi à ce propos?

Depuis que Swissmetal a évacué les deux presses Klus et Loewy, de gros travaux d’aménagement ont été entrepris dans l’usine 1 pour y installer une partie des machines qui se trouvaient dans l’usine 2. Il a notamment fallu refaire des dalles, installer le chauffage, etc.

Une partie des machines – dont le four Solo – ont déjà été remises en service. Or, la législation bernoise (LTEI et OTEI, Loi et Ordonnance sur le travail, les entreprises et les installations) précise que les transformations dans une entreprise industrielle sont au minimum soumises à une procédure d’approbation des plans. S’il y a changement d’affectation ou transformations importantes, l’entreprise doit demander un permis de construire. Qui plus est, en fonction du type d’activités, elle peut même être obligée de procéder à une étude d’impact sur l’environnement.

Selon la législation bernoise, l’entreprise doit donc au moins remettre à la commune tous les documents nécessaires pour une approbation des plans; le dossier est ensuite transmis pour contrôle à la préfecture qui le confie ensuite au service Santé et Sécurité du travail du beco pour approbation. Une fois les installations en service, un dernier contrôle s’effectue sur place avec les différentes instances concernées (beco, suva, Assurance immobilière, etc.) afin de délivrer l’autorisation d’exploiter.

Mais la commune n’a jamais rien reçu de Swissmetal. «Il arrive que les entreprises traitent directement avec le beco. Au début de l’année, nous nous sommes mis en relation avec cet office pour savoir ce qu’il en était. Il nous a dit avoir eu un contact avec Swissmetal», indique Pierre-Alain Némitz, secrétaire communal de Reconvilier. Les autorités villageoises ont donc pensé que tout allait se régler entre le beco et l’entreprise. Mais les mois passant, et la commune ne voyant toujours rien venir, elle a repris contact avec le beco pour lui faire part de ses interrogations à propos de la situation. Elle attend une réponse.



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Documents :

Journal du Jura du 17.04.08 - un four explose à Reconvilier.pdf 71.50 KB
Actualisé le 22.04.08 par webmaster
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