La paix du travail en procès

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Le Courrier
Jeudi 7 décembre 2006
Auteur : Michel Schweri
On savait la direction de Swissmetal combattive envers ses employés, voilà qu'elle se fait militante pour défendre les intérêts des employeurs confrontés à un arrêt de travail. Elle a en effet décidé d'engager une procédure civile à l'encontre du syndicat Unia, coupable à ses yeux d'avoir fomenté la longue grève qui a paralysé l'usine Swissmetal de Reconvilier l'hiver dernier. L'entreprise pourrait demander entre 5 et 10 millions de francs en dommages et intérêts au syndicat afin de compenser le préjudice économique subi durant la grève.

Mais là n'est pas vraiment le problème. Car cette procédure vise d'abord à obliger les syndicats à respecter scrupuleusement la paix du travail pour ne pas risquer une condamnation pécuniaire. L'entreprise se défend en effet d'agir pour elle-même. Bien au contraire: il est «d'intérêt public que la grève de Reconvilier et ses conséquences soient clarifiées d'un point de vue légal», prétend son communiqué. Pour ce patron de choc, la grève a violé les normes juridiques en vigueur, en l'occurrence les dispositions de la convention collective de travail imposant la paix du travail. Intenter une action contre Unia –ne serait-ce que pour un franc symbolique– est donc une façon d'appeler la justice à dire si le respect de la paix du travail est impératif pour un syndicat, s'il peut être tenu pour responsable des actes «illégaux» de ses membres et s'il ne devrait pas, le cas échéant, s'en désolidariser. Les clauses de paix sociale sont en effet signées entre associations patronales et syndicales, mais pas directement par leurs membres.

Juridiquement, Unia se retranche derrière une subtilité: le syndicat n'a pas déclenché la grève, il s'est contenté de soutenir ses membres en lutte contre leur patron, affirme son communiqué. L'action a d'ailleurs fait suite à la violation, par la direction, de l'accord passé une année auparavant, fait encore valoir le syndicat, rejetant la faute sur l'entreprise. Et durant tout le conflit, Unia aurait favorisé l'apaisement et la conciliation, remplissant ainsi sa part du contrat de paix du travail.

Cette agitation juridique ne doit toutefois pas occulter les vrais enjeux. Cette grève a représenté un rapport de force sans précédent en Suisse en faveur des salariés. La solidarité avec «les Boillat» a montré le ras-le-bol de nombreuses catégories de la population face aux méthodes du management industriel. Pour le grand patronat, il importe donc de discréditer ce mouvement contre toute velléité de reprendre le combat.

Car la restructuration de Swissmetal n'est pas terminée. En 2006, l'entreprise a vendu ses stocks de métal pour dégager des liquidités, financer sa réorganisation et accentuer la production à flux tendu, d'où une hausse de 60% du chiffre d'affaires. En parallèle, l'effectif a fondu de 75 postes complets à Reconvilier, compensés par le rachat de Busch-Jeager en Allemagne et ses 180 salariés. La délocalisation combattue par les Boillat est bel et bien en cours. Alors, qui viole vraiment la paix sociale?


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