Le combat de «la Boillat» se lézarde

Les employés du site de Reconvilier repoussent le vote

Source : Le Temps
Date : lundi 19 juin 2006
Auteur : Serge Jubin
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Après avoir menacé de fermer «la Boillat» en cas de reprise de la grève (SonntagsZeitung du 18.06.06), le CEO de Swissmetal, Martin Hellweg, a dû s'amuser dans son bureau de Dornach lundi. Le piège a pris: sa menace a fait éclater les divisions au sein du personnel de l'usine de Reconvilier, qui a repoussé le vote sur les propositions de l'expert Jürg Müller (LT du 16.06.2006).
«Je ne soutiens pas la stratégie de la direction, mais qu'on nous laisse travailler. J'ai besoin de mon job pour payer mes factures. En votant non, que gagnera-t-on?» Pendant que ses collègues se querellaient à l'intérieur de la salle communale surchauffée, Maria, à l'extérieur, disait tout haut «ce qu'une majorité d'entre nous pense tout bas».

Maria fut pourtant une gréviste convaincue en novembre 2004 et en février 2006. Elle a cru au combat pour la sauvegarde de l'outil de travail contre les velléités de démantèlement de sa direction, «sacrifiant ouvriers et savoir-faire pour faire du fric». Quatre mois après, elle est résignée. Et exaspérée par la chimère qui consiste à briser Martin Hellweg et sa stratégie défavorable à l'usine de Reconvilier. «Un racisme s'est développé contre ceux qui veulent travailler», confie-t-elle encore.

Tension et confusion ont ainsi marqué la séance du personnel de Swissmetal Boillat, lundi, appelé à se prononcer sur les propositions formulées jeudi à Berne devant le médiateur Rolf Bloch par l'expert indépendant Jürg Müller et approuvées par la direction du groupe et le syndicat Unia. Il réclame le maintien d'un four à Reconvilier et la réembauche d'une cinquantaine de personnes licenciées. Nombre d'observateurs voient dans ce compromis une possible issue au conflit.

Il n'y a pourtant pas eu de vote. Les meneurs de la lutte n'ont pas voulu être désavoués par les employés - majoritaires? - qui se sont fait une raison après la défaite de la grève.

Pressentant les lézardes, Martin Hellweg a poussé la provocation jusqu'à envoyer ses principaux collaborateurs à la séance. Les jusqu'au-boutistes les ont exclus, sans autre forme de procès. Les syndicalistes d'Unia, accusés de trahison, ont eux aussi été éconduits. Les employés qui sont désormais disposés à faire contre mauvaise fortune bon cœur et à travailler n'ont pas apprécié. Nombreux ont quitté la séance, sachant qu'on les empêcherait de voter. «Quelle sale fin d'une lutte pourtant exemplaire, devenue suicidaire», lâchait un proche des ex-grévistes, en larmes, à l'issue de l'assemblée. Réclamant un sursaut d'ici à la semaine prochaine, lorsque sera convoquée une nouvelle assemblée: «Je prie pour que la raison l'emporte.»

La raison consiste à ratifier les mesures de l'expert, proches de l'accord de novembre 2004 qui avait mis fin à la première grève et censées conserver 200 à 250 postes de travail. Un rejet précipiterait la fin de «la Boillat». «Refusant d'admettre qu'il a perdu, un quarteron de meneurs de la grève, déjà mis à la porte et qui n'a plus rien à perdre, rêve d'emporter l'ensemble de Swissmetal dans le chaos», constate un observateur pourtant supporter du combat «des Boillat».


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Actualisé le 19.11.06 par webmaster
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