Swissmetal | Publication des résultats au 3e trimestre

Performances insatisfaisantes

Source et copyright :
Le Journal du Jura
Mercredi 22 novembre 2006
Auteur : Philippe Oudot
Le prix des matières premières a gonflé le chiffre d'affaires, mais les résultats sont décevants. Mais même s'il a dû refuser des commandes par manque de moyens financiers, le groupe estime toujours être sur la bonne voie.
De janvier à fin septembre, le chiffre d'affaires de Swissmetal a bondi de 63% par rapport à la même période de 2005. Une augmentation impressionnante, qui s'explique avant tout par l'explosion du prix des matières premières et ne reflète donc pas la performance du groupe. Le CEO Martin Hellweg le reconnaît d'ailleurs ouvertement, puisque dans la lettre d'information publiée hier pour commenter les résultats au 3e trimestre, il note que «la performance opérationnelle a diminué» et que la situation présente est insatisfaisante: «Nous pouvions espérer davantage, car la conjoncture nous est favorable.»

Responsable de la communication et du développement de Swissmetal, Sam Furrer relativise toutefois cette déception, soulignant que «le résultat est conforme à nos attentes et s'explique en raison des interruptions de production dues aux vacances d'été et aux travaux de maintenance effectués durant cette période». Il ajoute toutefois que la mise en œuvre du concept industriel se poursuit et que celui-ci va permettre d'améliorer cette situation.

Le poids de la grève

S'agissant de la valeur ajoutée brute (VAB, soit le chiffre d'affaires brut moins le métal à son coût standard), elle a progressé de 14% pour atteindre 89,3 mios de francs. Une augmentation plutôt modeste, eu égard à l'intégration de l'usine Busch-Jaeger, acquise en février dernier. En fait, explique Sam Furrer, «ces chiffres démontrent à quel point la grève de la Boillat et ses conséquences ont entraîné une sérieuse baisse de la VAB du site de Reconvilier». Un recul qu'il se refuse toutefois à chiffrer.

Autre explication de cette faible progression de la VAB: en raison de ses moyens financiers limités, Swissmetal a dû refuser un certain nombre de commandes de clients. En effet, relève Martin Hellweg dans sa lettre d'information, «il n'aurait pas été possible de les préfinancer dans un contexte où les prix des métaux sont très élevés». Et de souligner qu'aujourd'hui, avec l'explosion du prix des matières premières, «Swissmetal doit engager quatre fois plus de liquidités qu'il y a trois ans pour financer les métaux permettant d'honorer une commande».

C'est d'ailleurs pour cette raison que le groupe poursuit ce qu'il appelle l'«amélioration opérationnelle de la gestion des stocks» (vente de matières premières), dont le volume a pu être réduit à 13 500 tonnes à fin septembre pour l'ensemble du groupe. Comme l'explique Sam Furrer, «notre objectif est d'assurer la production avec un stock minimal pour éviter d'avoir trop de liquidités immobilisées sous forme de stocks. Ces moyens doivent être utilisés pour être capable de prendre plus de commandes.» Et de souligner que par rapport à 2005, l'optimisation des stocks a déjà permis de reduire l'immoblilisation de liquidités.

Résultats modestes

Selon Swissmetal, cette bonne gestion des stocks a permis d'augmenter de quelque 170% le résultat d'exploitation (EBIT), qui atteint 7,2 mios de fr. En fait, si le résultat est plus modeste qu'espéré, c'est en raison des conséquences de la grève, affirme le groupe: pour rattraper les retards et remplacer ses collaborateurs absents pour cause de maladie, Swissmetal a dû engager du personnel temporaire, ce qui a généré des coûts élevés. Par ailleurs, les charges d'exploitation ont aussi fortement augmenté, notamment en raison des frais liés à l'intégration de Busch-Jaeger et de dépenses pour des travaux techniques de maintenance non prévus. Lesquels? Sam Furrer refuse de donner des détails.

Quant au bénéfice, il s'est élevé à 3,1 mios de francs, en hausse de 0,5 mio par rapport à 2005, indique Swissmetal. Le résultat étant identique à ce qu'il était au 1er semestre, cela signifie que Swissmetal n'a rien gagné au 3e trimestre, selon les chiffres même du groupe. Dans ces conditions, comment expliquer la flambée de l'action? «Le development du cours de l'action est le résultat du marché et ce n'est pas à nous de commenter le jugement du marché, c'est-à-dire des actionnaires. Mais nous estimons que le cours du titre aux environs de 28 fr. démontre que les investisseurs font confiance en notre stratégie et en notre capacité de la mettre en œuvre», commente Sam Furrer.

S'agissant de la situation à Reconvilier, notre interlocuteur relève que la situation s'est pratiquement normalisée. Aujourd'hui, le site occupe 240 personnes, contre 320 avant la grève. Il assure que la production journalière en octobre était pratiquement au même niveau qu'en 2005. Et s'il est vrai qu'il y a parfois quelques tonnes de matière brute sous diverses formes qui quittent la Boillat, il précise que l'essentiel de ce qui sort de l'usine est constitué de produits finis livrés aux clients.

Cela dit, Sam Furrer admet qu'au niveau des entrées de commandes, les résultats de la Boillat sont encore nettement inférieurs à ce qu'ils étaient l'an dernier, «mais nous travaillons à restaurer la confiance des clients».

Quant à l'existence de problèmes de qualité, il balaie le grief, assurant que «nos contrôles et nos statistiques d'assurance qualité démontrent qu'il n'y a pas de problèmes de ce côté-là. D'ailleurs, nous n'avons pas plus de réclamations de la part de nos clients», assure-t-il.

«Swissmetal n'a pas de quoi être fier»

Ancien directeur du site de Reconvilier et président de la Nouvelle Boillat, Paul Sonderegger constate que les résultats du troisième trimestre démontrent bien que la stratégie du groupe le conduit dans une impasse. Il souligne en effet qu'au terme des neuf premiers mois, la valeur ajoutée brute (VAB) obtenue au 3e trimestre est loin de la cible. Et de rappeler que l'objectif visé par Swissmetal pour l'année 2006 est de 135 mios de francs. Or, pour atteindre cet objectif, Swissmetal aurait dû obtenir une VAB d'environ 101 mios de francs (compte tenu des vacances, ces trois trimestres correspondent à environ 165 jours, sur un total de 220). Mais la VAB à fin septembre n'était que de 89,3 mios. «Swissmetal n'a vraiment pas de quoi être fier...»

En examinant la marge brute (98,5 mios) et la VAB affichées par Swissmetal, Paul Sonderegger constate que la différence de 4,8 mios de francs correspond à la liquidation des stocks au 3e trimestre. Une valeur sensiblement supérieure à celle admise par Swissmetal, soit 3 mios. Mais en analysant de près les stocks à fin septembre par rapport à ceux à fin 2005 - auquel il ajoute un stock plancher de 1800 tonnes pour Busch-Jaeger (correspondant à un mois de production de l'usine allemande), il conclut que le chiffre avoué par Swissmetal est largement sous-évalué. En réalité, il estime que sur une VAB déclarée de 89,3 mios, il faut en déduire 9, si bien que celle-ci ne serait plus que de 80 mios. Fort de ce constat, il avance que cela remet complètement en cause le résultat opérationnel avant amortissements (EBITDA). Ainsi donc, en additionnant les ventes de matière admises au premier semestre (5,7 mios), celles au 3e trimestre (4,8 mios), et les 9 mios susmentionnés, on arrive à une somme de 19,5 mios de francs. En conséquence, il faudrait déduire ces 19,5 mios à l'EBITDA de 17,5 mios affiché par Swissmetal. «Cela signifie que le résultat opérationnel avant amortissements résultant des activités industrielles serait négatif de 2,4 mios de francs!», conclut Paul Sonderegger.

«Le groupe est à genoux»

Ces dernières semaines, la valeur de l'action Swissmetal avait flambé, frisant les 30 fr., avant de se stabiliser entre 28 et 29 fr. Hier, à l'ouverture de la Bourse, le titre ouvrait à 28 fr. 65, grimpant aussitôt à 28 fr. 95. Mais très vite, il a dégringolé à 27 fr., jouant ensuite au yo-yo pour boucler à la clôture à 27 fr. 40. Comme le relève Paul Sonderegger qui s'est penché sur les offres et les demandes opérées hier sur le titre, beaucoup d'investisseurs cherchaient à vendre, ce qui a fait plonger la valeur de l'action. C'est bien la preuve que la confiance dans le groupe est en train de s'essouffler, contrairement à ce que prétend le management.

Par ailleurs, un ancien cadre de la Boillat très au fait des analyses financières constate que la situation est bien pire que l'avoue Martin Hellweg. «Il est tout de même ahurissant de voir que Swissmetal doit refuser des commandes par manque de liquidités alors même qu'il brade une partie du stock au point que cela ne permet plus d'assurer la production. C'est bien la preuve que le groupe est à genoux...», analyse-t-il.



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Actualisé le 22.11.06 par webmaster
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