Manifestation de soutien à la Boillat | Des orateurs au ton incisif

«L'heure de vérité a sonné!»

Source : Journal du Jura
Date : lundi 12 juin 2006
Auteur : Philippe Oudot
Copyright : Le Journal du Jura
La partie officielle de la manifestation a rassemblé 500 à 700 personnes. Les orateurs ont appelé les employés de la Boillat à rester unis et solidaires à la veille d'une semaine qui s'annonce cruciale.
Le beau temps, les nombreuses manifestations régionales, voire la Coupe du monde de foot ont fait une rude concurrence à la manifestation de solidarité en faveur des employés de la Boillat. Lors de la partie officielle, samedi après-midi, 500 à 700 personnes se sont rassemblées sur la place derrière l'usine 1 pour les soutenir et les encourager. Cheville ouvrière de ce week-end de mobilisation, Fred Charpié a souligné que le combat continuait et que la région restait unie derrière la Boillat, même si la foule n'est pas aussi nombreuse qu'espéré.

Premier orateur, Nicolas Wuillemin, porte-parole des grévistes, a rappelé qu'après 137 jours, «notre combat n'est pas terminé, la grève n'étant que suspendue. Ni la grève, ni la médiation, ni votre formidable soutien ne nous ont permis d'entrevoir une solution dans la résolution de ce conflit.» Toutefois, malgré la fatigue, la lassitude, l'incertitude, «notre lutte n'est pas encore perdue, loin s'en faut!»

En effet, l'orgueil du CEO, l'incompétence en matière industrielle de la direction et du conseil d'administration, la résistance des Boillats ont amené le groupe au bord du gouffre, et la Boillat est aujourd'hui à l'agonie. Toutes les décisions prises précipitent la mort de l'usine, a-t-il constaté. Et de citer le manque de matière; la non-remise en marche des principales installations de production; l'arrêt de machines par manque de ravitaillement, le transfert à Dornach ou à Lüdenscheid de nombreux produits spécifiques à la Boillat.

Comme l'a souligné Nicolas Wuillemin, «l'avenir de notre entreprise se jouera ces prochaines semaines. La ou les prochaines séances de médiation seront déterminantes, car elles ne pourront pas se prolonger indéfiniment. Seul un changement de stratégie, l'application du protocole d'accord et un autre CEO dans le cadre de Swissmetal, ou l'indépendance de l'usine de Reconvilier en dehors du groupe peuvent encore être négociées.»

Clone de Werner K. Rey

Député-maire de Moutier et membre du comité de soutien à la Boillat, Maxime Zuber a comparé la manifestation «à une veillée d'armes qui précède les grandes batailles. Dans ce conflit que Rolf Bloch qualifie lui-même de guerre de tranchées, nous avons choisi notre camp: celui de la justice et de la dignité.» Il s'en est pris à ceux qui soutiennent le management prétendument «moderne et visionnaire» de Martin Hellweg au service du capital. «Ces donneurs de leçons sont mystifiés par les boniments de ce clone de Werner K. Rey. Mais derrière son col blanc et ses bonnes manières, M. Hellweg est un taliban de l'économie moderne!»

Pour l'orateur, l'exemple de la Boillat montre bien les limites des sacro-saints principes de la propriété privée et de la liberté d'entreprise. Et de dénoncer l'«hellwegisation de l'économie qui permet aux dirigeants de Swissmetal de commettre ce que les clients de la Boillat, à l'instar du patron de Premec, qualifient de crime économique!»

A la veille des échéances décisives de ce mois de juin - à commencer par la présentation du rapport de l'expert lors de la séance de médiation de jeudi -, il faudra bien que Rolf Bloch donne son avis sur ce que lui-même et l'expert Jürg Müller ont vu en examinant les tenants et les aboutissants de ce conflit. «La médiation ne saurait se poursuivre indéfiniment, car elle sert les intérêts de la direction qui poursuit son travail de sape en toute quiétude. Aujourd'hui, l'heure de vérité à sonné!», a-t-il lancé
Moments d'émotion

Au milieu des discours «politiques», les manifestants ont aussi eu droit à un intense moment d'émotion, en écoutant deux enfants de grévistes, Sandro, 13 ans, et Luana, 15 ans. A tour de rôle, ils ont témoigné de leur soutien aux employés en lutte, «parce qu'ils ont eu le courage de dire non, trop c'est trop, parce que je refuse que d'autres travailleurs voient leurs droits bafoués de la même manière si je ne fais rien», a souligné Sandro. «Parce que mon papa, qui élève une famille de trois enfants, a été mis à la porte comme un malpropre parce qu'il défendait une cause qui lui paraissait juste. Aujourd'hui, je ne peux pas me taire, parce que je veux éviter qu'il y ait d'autres affaires Boillat, d'autres Hellweg, d'autres familles détruites comme la mienne», a lancé Luana.

Après cinq mois de lutte, les Boillats sont peut-être «épuisés, blessés, humiliés, meurtris dans leur âme et dans leur chair, mais ils ont toujours la tête haute et ils méritent tous un immense respect, car leur force et leur détermination n'ont d'égal que leur courage et leur dignité», a poursuivi Sandro. Et Luana d'appeler chacun à continuer à soutenir leur combat: «Lorsque votre chemin croise le leur, continuez à leur offrir un sourire, une marque de sympathie, ils en ont tellement besoin!»
Un rêve

Très inspiré, le conseiller national popiste vaudois Josef Zisyadis a dit avoir fait un rêve. Celui d'un gouvernement «qui ose défendre les salariés et qui cesse de s'aplatir devant le grand capital». Ainsi, lors de sa prochaine séance, le Conseil fédéral va décider de l'expropriation de Swissmetal Boillat, faisant de l'usine de Reconvilier une société publique et sociale, dont le but est de sauvegarder un outil de production et par là-même, le tissu économique d'une région. «C'était bien sûr un rêve, mais c'est à nous de faire en sorte qu'il devienne réalité!»

Ensemble, on ne perd jamais

Le conseiller d'Etat socialiste vaudois Pierre-Yves Maillard, par ailleurs vice-président du PS suisse, a appelé les employés de la Boillat à rester unis. Comme syndicaliste, lui aussi a connu plusieurs grèves. Certaines ont abouti à des victoires inespérées, d'autres à des défaites ou des demi-succès. «Mais quel qu'ait été le résultat, jamais les ouvriers n'ont eu le sentiment d'avoir perdu, car quand on lutte ensemble, on n'est jamais perdant!»

Il a aussi constaté que la lutte des Boillats est un symbole, et que de nombreux patrons veulent tout faire pour éviter que les ouvriers aient gain de cause, craignant que cette victoire soit un dangereux précédent. A leur attention, il a lancé: «Vous ne gagnerez rien à humilier les travailleurs de la Boillat. Sachez que si vous gagnez, ce ne sera qu'une victoire à la Pyrrhus qui ne fera que des perdants!»

Pour l'ancien syndicaliste, il serait temps de renforcer la démocratie dans le monde de l'économie et notamment de renforcer les droits des commissions d'entreprises. Mais c'est un message dont la majorité bourgeoise de ce pays ne veut pas entendre parler. Et d'appeler à la création d'un droit d'intervention des pouvoirs publics dans l'économie afin de pouvoir contrecarrer les agissements de managers irresponsables.

Ph. O.

Un côté à la fois festif et bon enfant

Stands de ravitaillement, tire-pipe, animations diverses et musique, entre l'uZine 3 et l'usine 1, le ton avait pris des airs de kermesse. Visiteurs et organisateurs y ont trouvé leur bonheur.

Tout aussi appréciable que contrariant, ce temps d'été si attendu aura, qu'on le veuille ou non, joué un mauvais tour à la manifestation. Et puis, partout dans la région, les fêtes annuelles battaient leur plein durant ce week-end. Mais pour les organisateurs, le but semblait atteint dimanche sur le coup de midi. Comme l'expliquait le vice-président du comité d'organisation Cédric Iau, le bilan est positif. «L'objectif principal de cette manifestation de soutien était bien de montrer au monde, que la lutte des Boillats n'est pas terminée. Au moment où l'on est en train de s'enfoncer, il fallait renouer le dialogue.»

Pour Steve Feusier membre également du collectif et responsable des bénévoles, le succès était aussi au rendez-vous. «L'idée de base étant aussi et avant tout, de remercier, au travers de cette fête, tous ceux qui nous ont soutenus. Nous avons tant reçu, c'était à notre tour de donner!» Précisons qu'à cet effet, les commerçants avaient été cordialement invités à venir gracieusement tenir boutique sur l'aire de fête. Seuls deux ou trois ont répondu à l'appel. But atteint également pour le président Fred Charpié, qui rappelait en substance, qu'au-delà de la participation, la solidarité était toujours bien présente. Preuve en est, les 13 000 signatures soutenant aujourd'hui déjà, la pétition.

Seul nuage noir dans ce ciel festif, le moteur du château gonflable destiné aux enfants, déclarait forfait en toute dernière minute. Mais depuis le temps, on sait à la Boillat que les châteaux, c'est en Espagne qu'on se les construit. (rmv)

Baume au cœur de Romanens

Chaleur, rires, détente aux couleurs de bonne humeur, entre deux douleurs, les ex-grévistes, avaient bien mérité ça. C'est avec le suivi de l'ouverture de la Coupe du Monde, que débutait vendredi soir, la partie récréative de l'histoire. Suite au forum, le matin, et à la partie officielle, l'après-midi, Christophe Meier a mis samedi le feu à la scène dressée derrière l'usine 1.

Parmi tous les groupes venus défendre la cause, le moment le plus fort a été celui passé avec Thierry Romanens. Un doigt pointé sur l'injustice sociale, c'est avec humour, tendresse, et cette verve si subtilement déployée, que l'artiste a emballé son monde. Un monde, malheureusement trop clairsemé sur la place, pour tant de bonheur partagé. Et si malheureusement samedi soir, les collaborateurs de la Boillat brillaient particulièrement par leur absence, Thierry Romanens a bien compris que c'était dû au mobbing et menaces de licenciement qui planent toujours. La peur d'être vu, la crainte de voir son nom couché sur la prochaine liste n'était peut-être pas sans fondement. Car il se chuchotait en coulisses qu'un photographe, envoyé par la direction, mitraillait à qui mieux mieux la manifestation. (rmv)

Création de la Nouvelle Boillat

Ancien directeur de la Boillat, Paul Sonderegger a adressé quelques mots aux manifestants qui souhaitent s'engager en devenant actionnaires. Une nouvelle association, baptisée Nouvelle Boillat, vient en effet de voir le jour. Celle-ci s'est donné comme but «d'assurer la pérennité à Reconvilier de la fonderie et de toutes les activités économiques et sociales de l'entreprise Swissmetal ou de son successeur». Dans cette perspective, l'association invite ceux qui souhaitent faire entendre leur voix de petits actionnaires à rejoindre l'association. Paul Sonderegger a aussi constaté que ces derniers temps, de nombreuses personnes ont souhaité témoigner de leur soutien à la Boillat en achetant une ou quelques actions, afin de pouvoir assister à l'assemblée des actionnaires du 30 juin. Certains ont toutefois été découragés par les démarches à entreprendre et en raison des frais annexes liés à l'achat d'une action. Voilà pourquoi l'association Nouvelle Boillat propose à tous les gens qui verseront la cotisation de 30 fr. de devenir membre de l'association en devenant propriétaire d'une action Swissmetal, avec la possibilité d'acquérir quelques actions supplémentaires. Et donc de pouvoir participer à l'assemblée des actionnaires. (pho)


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Ressource liées

Album photo de la manifestation du samedi 10 juin 2006 à Reconvilier
Actualisé le 19.11.06 par webmaster
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