Jura bernois | La Berner Zeitung jette un nouveau pavé dans la mare

«Si vous voulez partir, allez-y !»

Source et copyright :
Le Journal du Jura
Mard 21 novembre 2006
Auteur : Philippe Oudot
Dans un dossier publié samedi, la Berner Zeitung tirait à boulets rouges sur le Jura bernois, accusé d'être un enfant gâté et assisté qui vit aux crochets de l'Ancien canton. Un torchon qui a fait réagir Maxime Zuber.
Le grand quotidien bernois Berner Zeitung (BZ) a visiblement une dent contre le Jura bernois. En décembre 2004, dans la foulée de la polémique liée à l'initiative «Un seul Jura», la BZ avait publié un reportage sur le Jura bernois, décrit comme une zone totalement sinistrée, «une chaîne de désolation économique longue de quelques douzaines de kilomètres». Une pseudo-enquête qui n'était en fait qu'un ramassis de clichés éculés et totalement déconnectée de la réalité.

Dans son édition de samedi, le fort peu francophile quotidien a une nouvelle fois fait tout l'étalage du mépris qu'il affiche à l'encontre du Jura bernois et de sa population. Dans un dossier de deux pages au titre pour le moins provocateur - «Si vous voulez partir, allez-y!» - , la BZ fustige le Jura bernois, accusé d'être une région dorlotée, portée à bout de bras par l'Ancien canton.

Une région qui, grâce à son statut particulier, serait dotée de privilèges disproportionnés, puisque la Constitution garantit à cet arrière-pays qui ne représente qu'un vingtième de la population un des sept sièges du gouvernement. Qui plus est, le Jura bernois dispose d'un droit d'initiative régionale que nulle autre région ne connaît. Or, se plaint la BZ, ces profiteurs de Welsches font encore la fine bouche et n'expriment même pas leur gratitude à l'égard de ce beau et si généreux canton. Et pour bien enfoncer le clou, le corédacteur en chef Michael Hug s'est fendu d'un commentaire en première page de la BZ dans lequel il qualifie le Jura bernois d'«enfant gâté et boudeur». Et de l'inviter à choisir son camp.

Un vrai réquisitoire

Dans son dossier, la BZ constate également que les flux financiers sont largement favorables au Jura bernois, qui serait bénéficiaire de quelque 40 millions de francs. De l'argent qui, selon le journal bernois, serait quasi jeté par la fenêtre, la région étant comparée à une terre aride où rien ne pousse. Il suffit de voir le nombre de locaux industriels désaffectés, poursuit-il. Et de descendre en flammes l'image qu'ont les Bernois d'un Jura bernois économiquement fort grâce à ses industries d'exportations.

S'il y a bien une ou l'autre entreprise de pointe, la BZ laisse entendre que la région a de gros problèmes, citant la grève de la Boillat et les déboires récents de Tornos. Pas étonnant puisque le secteur secondaire, sensible aux aléas conjoncturels, représente 43,5% du tissu économique, analyse le journal. D'ailleurs, poursuit de manière assez perverse le quotidien, le Jura bernois est, avec l'agglomération bernoise, le plus frappé par le chômage. Et si 9% des exportations du canton proviennent du Jura bernois, celui-ci ne pèse que 4% dans le produit intérieur brut (PIB), assène encore la feuille bernoise.

La Question jurassienne? Que du gaspillage

Elle s'en prend ensuite au mythe du bilinguisme, soulignant que Berne est un canton germanophone, avec simplement une partie francophone. Enfin, le quotidien de la capitale en revient à la question jurassienne et estime que ce conflit est un gaspillage de temps et de ressources.

Evoquant l'étude des trois pistes confiée à l'Assemblée interjurassienne, la BZ estime que «si le canton de Berne continue à payer, il doit savoir si le Jura bernois veut vraiment, exiger une meilleure coopération avec le canton du Jura et procéder à une votation rapide (sur l'avenir du Jura bernois).»

Est-ce dire que les Bernois ont envie de se débarrasser du Jura bernois? C'est en tout cas ce que laisse penser le quotidien: selon un sondage, certes non représentatif, portant sur 359 personnes, seules 43,4% des personnes sondées affirment que le Jura bernois doit continuer à faire partie du canton, contre 32,3% qui souhaitent son départ, et 24,2% de personnes indifférentes.

Les pseudo-vérités de la BZ à la moulinette

Député-maire de Moutier, Maxime Zuber a vivement réagi à la lecture du dossier de la BZ. Dans une lettre adressée à Michael Hug, il rappelle au corédacteur en chef qu'avant de qualifier le Jura bernois de région «assistée et gâtée», la BZ aurait pu rappeler que le Jura bernois a été délaissé par les autorités cantonales pendant des décennies, qui ont préféré investir l'argent des contribuables dans l'Ancien canton. La preuve? La Transjurane n'est toujours pas achevée, et la liaison des Convers ne figure même pas dans les programmes du canton.

S'agissant de la vitalité économique du Jura bernois, Maxime Zuber rappelle qu'en 2005, le produit intérieur brut de la région francophone a augmenté de 2,4%, «ce qui en fait le taux de croissance le plus élevé du canton». Et même si de grandes entreprises ont été frappées par les turbulences conjoncturelles touchant les marchés d'exportation, «elles restent des leaders mondiaux dans leurs domaines d'activité». Et d'inviter Michael Hug à venir visiter le prochain SIAMS pour «se rendre compte de la vitalité économique et de l'inventivité technologique de la région».

Le député-maire de Moutier s'insurge aussi contre la façon tendancieuse dont la BZ a évoqué la grève des ouvriers de la Boillat. Et de rappeler que «toute la région s'est mobilisée pour tenter d'empêcher un financier allemand de démanteler un outil de production qui a toujours contribué à l'excellence de la métallurgie jurassienne». Rappelant que la presse alémanique s'est souvent rangée derrière Martin Hellweg, Maxime Zuber a fustigé certains commentateurs «qui se sentent le droit de donner des leçons sous prétexte de savoir presque rien sur presque tout!»

S'agissant des flux financiers entre Berne et le Jura bernois, il relève qu'en matière culturelle, le Jura bernois perçoit moins que ce à quoi il aurait droit, eu égard à son poids démographique. «Vous auriez pu souligner que les francophones contribuent au fonctionnement d'une université essentiellement alémanique et à celui de coûteuses institutions culturelles toutes établies dans les centres urbains». Et que dire des hôpitaux privés qui n'existent pas dans le Jura bernois mais dont le financement par le canton ont fait exploser les primes des assurés de tout le canton?

Enfin, si la perspective d'un détachement du Jura bernois était évoquée dans les conclusions de l'étude menée par l'Assemblée interjurassienne, Maxime Zuber invite la BZ à être conséquente et à redire aux Jurassiens: «Si vous voulez partir, allez-y!» Et de rappeler que dans la Question jurassienne, «les Jurassiens ont toujours pu compter sur le caractère gaffeur des autorités, de la classe politique et de la presse bernoises. La lecture de votre article me montre que l'histoire se répète!», conclut le tribun prévôtois.


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