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Reconvilier: coup de projecteur sur la dérive d’un fleuron industriel
Si, un jour, le film doit être montré aux Etats-Unis, il devrait être tramé de ces «bip» qui remplacent les jurons dans les salles obscures puritaines. Mais la réalité qu’a captée le citoyen K. ne s’embarrasse pas de convenances inutiles. Quant «les Boillat», un jour de grève, profitent pour aller tirer un sanglier, on voit bien que, une fois salivant devant la broche, les gars mettraient bien tourner, à la place du cochon sauvage, le civilisé Martin Hellweg. Cette abstraction en costard rayé façon Banhofstrasse, qui ne se montre qu’au Téléjournal, ils l’ont tous en travers de la gorge. Le directeur allemand de la fonderie et sa clique ne leur ont jamais fait bonne impression: «Leur façon de parler... On a compris tout de suite qu’ils se foutaient de la gueule du monde», dit Cédric. Dès l’arrivée de Martin Hellweg et de son équipe, «plus rien n’allait », raconte Maria. Alors il y a eu grève, en 2004, puis accord, puis rupture, re-grève, provocations, licenciements, jeux de dupes et médiations... Sous les yeux du monde politique impuissant, symbolisé par un député Kohler gesticulant, un maire Torti rageant et un Conseil fédéral absent. Pendant ce temps, l’action s’élève et le syndicat se couche, jusqu’à une reprise du travail où toute la vallée semble avoir perdu des plumes et attendre l’assaut final des financiers Zurichois. De toutes ces étapes, le réalisateur ne commente que le strict nécessaire, il se contente de les montrer, se fait discret pour laisser la parole à ceux qui avaient décidé de donner de la voix. Visible dès le 1er mai dans différents lieux de Suisse romande, ce document permet de comprendre pourquoi, après cent ans de paix du travail, trois cents ouvriers de la vallée de Tavannes ont décidé d’être ceux qui tenteraient, les premiers, de dire non à ces «nouveaux patrons». «La défaite des Boillat aura des conséquences pour tous les salariés suisses»Interview de Daniel Kunzi, réalisateur du documentaire "La Boillat vivra"Pourquoi ce film sur la grève des «Boillat»?Daniel Kunzi: Parce qu'à Reconvilier des gens ont compris qu'il était possible et nécessaire de s'opposer aux intérêts privés de financiers qui prétendent décider de la vie et de la mort d'une région entière. Il s'agissait non pas seulement des ouvriers, mais aussi de l'administration, des cadres, des commerçants du village et de toute la région. Ce film trace de nouvelles perspectives pour tous ceux qui entendent lutter contre ce retour à l'ancien régime. Je parle d'ancien régime parce que tous les parlements ont été, de fait, impuissants face aux coups de force des patrons de l'entreprise. N'est-ce pas un peu frustrant, comme documentariste, de ne pouvoir reparler de ce conflit seulement une année plus tard? A vrai dire, je pensais que ce conflit aurait un écho un peu plus large, grâce notamment à l'initiative qui demande que la Confédération légifère sur un droit de préemption. En l'occurrence, il ne s'est encore rien passé. Cette défaite aura des conséquences pour tous les salariés, notamment parce que le syndicat a fait la preuve de son inutilité, dans le meilleur des cas. Pourquoi? Unia n'a pas été en mesure de relever le défi. C'est tout de même assez triste de constater que les médias en ont fait bien plus que les syndicats pour populariser la grève. Les syndicats n'ont pas fait le moindre piquet, la moindre assemblée d'information pour que les autres syndiqués ne puisse manifester leur solidarité. Les grévistes ont été invités dans les théâtre, dans les universités et dans les squats partout en Suisse romande, mais du coté des syndicats, comme des politiques, d'ailleurs, ça a été le silence complet. A-t-il été facile d'aborder les ouvriers? Je travaillais avec les tréfileurs, dans l'équipe de nuit. Il m'a fallu bien des nuits pour expliquer ma démarche. Je suis là pour décortiquer la réalité, et je ne suis pas tenu, comme l'est un journaliste, par cette sacro-sainte neutralité. J'ai pris du temps pour les convaincre. Et il faut se rendre compte que du coté d'Unia, on ne m'a pas accueilli à bras ouverts. Fabienne Blanc-Kuhn m'a parfois interdit de filmer. J'ai du prêter ma caméra à un ouvriers lors d'une conférence de presse, et quand elle l'a reconnue, elle a prétendu que la conférence était destinée aux journalistes et pas aux documentaristes. Entre les Securitas qui surveillaient l'usine et le syndicat, je devais vraiment travailler entre Charybde et Scylla. Avez-vous pris des nouvelles de vos «acteurs»? Bien sûr. Et c'est la déprime: pratiquement tous ont été licenciés. Les moutons noirs ont été les premiers à regagner la sortie. La «financiarisation» de l'industrie, on en a dégusté qu'un hors-d'oeuvre. Ce film est le premier en Suisse qui documente ce sujet. Il faut vraiment réaliser que si Swissmetal existe toujours, il n'est pas impossible qu'on assiste bientôt à la faillite du groupe. Et de toute évidence, ce phare de l'industrie suisse, qui exportait dans le monde entier, n'a plus rien de commun avec la Boillat comme elle tourne aujourd'hui. Mais l'action du groupe a doublé. Jusqu'à quand ce phénomène artificiel durera-t-il? Article précédent | Article suivant | Sommaire des articles Sur le même sujet :
Actualisé le 20.04.07 par webmaster
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