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Swissmetal Boillat | Respect des normes de sécuritéDe grosses interrogations balayées par la direction
Comme le relève notre interlocuteur, cet incident n'est apparemment que la pointe de l'iceberg. De par la nature de ses activités, la Boillat est en effet une entreprise à risques. «Jusqu'à la grève, nous avons toujours porté la plus grande attention à la sécurité et à l'entretien des machines. Le problème, c'est que les cadres et nombre de personnes très au fait de ces questions ont été licenciés ou ont donné leur congé, écœurés», explique un ancien cadre. Si bien qu'aujourd'hui, il ne reste plus qu'une poignée de collaborateurs, sans doute compétents, mais qui ne peuvent être à la fois au four et au moulin. D'où de sérieux problèmes. Des problèmes aggravés par les coupes de Swissmetal dans les budgets d'entretien et de maintenance. C'est d'ailleurs pour cette raison que la commune de Reconvilier s'était adressée au beco Economie bernoise au printemps dernier, afin de demander aux autorités cantonales de s'assurer que les normes étaient bien respectées. Une délégation de spécialistes s'était rendue sur place et n'avait pas constaté de problèmes particuliers. Risques de dioxine Dans le secteur de la fonderie, le degré de sécurité a également reculé. Mis à part les deux installations de coulées fils, la Boillat possède deux gros fours, un Wertli et un Technica de 10 tonnes. Le premier est à l'arrêt depuis la grève, alors que le second est utilisé au gré des arrivages de matières à fondre. Soit des métaux purs, des retours de matière, ainsi que des tournures (copeaux d'usinage que les clients récupèrent et retournent à la Boillat pour y être refondus). Mais avant cette opération, ces copeaux passent dans une installation spéciale appelée Dunford pour y être débarrassés des résidus d'huiles et d'émulsions utilisées lors de l'usinage. En fait, ces résidus sont brûlés dans un premier four, les fumées sont récupérées et brûlées dans un second avant de subir un ultime traitement pour éviter tout risque de pollution à la dioxine. Le passage dans l'installation Dunford écarte aussi les risques d'incendie, les résidus d'huiles étant très inflammables. Mais ces derniers temps, le Dunford ne fonctionne pratiquement plus, du fait que Swissmetal ne reçoit presque plus de tournures. Un signe clair qui illustre la perte de clients... Et quand il y a des tournures, il arrive que, pressés par le temps et le besoin urgent de matière, les responsables de la fonderie «sautent» l'étape du Dunford. C'est ce qui s'est passé il y a quelques semaines. Résultat: des flammes ont jailli du four, se sont engouffrées dans la hotte d'aspiration et ont risqué de bouter le feu aux filtres. Avec, à la clé, le dégagement quasi certain de dioxine dans l'atmosphère. Usure prématurée Mais ce n'est pas tout: l'installation Technica est un four dit «à induction» qui ne peut être entièrement vidé, sauf pour les travaux de révision. Cela signifie qu'il doit toujours contenir du métal en fusion. Si le métal devait se figer, le four Technica, utilisé pour produire de nombreuses spécialités Boillat,serait hors d'usage. Parmi les alliages qui y sont produits, on trouve notamment les maillechorts. Ces alliages contiennent passablement de nickel, un métal très corrosif qui attaque les parois réfractaires du four. Voilà pourquoi après avoir fait du maillechort, le four doit être «rincé» en y fondant des alliages exempts de nickel, explique un ancien cadre. Mais aujourd'hui, avec le manque récurrent de matière à fondre, il arrive qu'on laisse du maillechort au fond du four. Résultat: les parois réfractaires se dégradent à grande vitesse. Ce n'est d'ailleurs pas par hasard que les deux fours (de fusion et de coulée) de la Technica sont à l'arrêt depuis plus de deux semaines. Normalement, explique un ancien Boillat, la réfection des parois du four se fait environ tous les trois ans. La dernière a été effectuée durant la pause estivale de 2005, si bien que le four aurait dû tenir jusqu'à l'été 2008. La réfection actuelle démontre bien que l'usure est anormale, poursuit notre interlocuteur. Et d'expliquer que sans cette opération, le risque d'une rupture de conduite du circuit d'eau serait non négligeable. Or, le contact d'eau avec du métal en fusion entraînerait une réaction chimique immédiate, l'eau se séparant en oxygène et en hydrogène, ce qui provoquerait l'explosion du four. Avec toutes les conséquences qu'on peut imaginer. Sous haute pressionLa Boillat possède deux presses d'extrusion, la Loewy et la Klus. Au début de cette année, la Loewy, était en cours de révision. Dans la foulée de la grève, Swissmetal avait licencié la quasi-totalité des spécialistes de cette machine. D'où la difficulté de la remettre en activité. Aujourd'hui, si la Loewy est plus ou moins opérationnelle, les résultats ne répondent de loin pas aux attentes. Suite à la révision, de nombreux paramètres ont en effet changé et les spécialistes de la machine n'étant plus là, il n'est pas facile de procéder aux adaptations nécessaires. De plus, loin d'être plus productive comme prévu, la Loewy est désormais nettement plus lente qu'avant.Depuis la grève, c'est donc l'autre presse, la Klus, qui est fortement sollicitée. Or, cette machine est une installation dont la technologie remonte à une cinquantaine d'années. Depuis sa mise en service, cette vieille dame a certes été bichonnée et modernisée au fil des ans, mais la machine arrive en fin de vie - Swissmetal évoque sa mise au rebut depuis cinq ou six ans - et a besoin de beaucoup de soins pour continuer à fonctionner. Sur cette ancienne installation, les opérateurs doivent disposer d'un solide savoir-faire pour éviter des accidents. Au début du processus d'extrusion par exemple, il n'est pas rare que des éclats de métal soient projetés dans l'atelier. En effet, explique un spécialiste des presses, l'extrusion est un processus extrêmement complexe qui demande une grande maîtrise. Ces éclats peuvent être provoqués par une billette trop chaude ou lorsque la filière est trop froide. La Klus balance donc dans l'atelier des éclats de métal qui volent comme des balles de fusil, raison pour laquelle il a fallu installer à proximité une plaque blindée de protection. Il arrive aussi que des morceaux de matière soient projetés dans l'atelier à la fin du processus de pressage, lorsqu'il s'agit de séparer la billette du grain (plaque d'acier de 10 cm d'épaisseur qui sépare le vérin de la billette) avec le séparateur de culot. En plus du risque que représentent ces projections, la Klus est aussi un danger potentiel en soi, car cette machine à accumulation d'énergie fonctionne avec de l'eau et de l'air sous très haute pression (300 bars). Il faut donc que toute la «robinetterie» soit en parfait état pour éviter tout problème. «Des contrôles sont donc effectués très régulièrement, et une révision complète a lieu tous les huit ans pour changer notamment les soupapes. Cette opération était annoncée pour juin ou juillet, mais à ma connaissance, rien n'a été fait...», explique un ancien cadre. Des propos que confirme un collaborateur qui travaille encore à la Boillat. Est-ce dire que les contrôles de la Suva sont inefficaces? C'est apparemment l'avis de notre interlocuteur, pour qui les spécialistes de la Suva ne sont pas vraiment en mesure de connaître tous les dangers d'installations aussi particulières que des machines uniques comme la Klus. Une volonté délibéréeLes interrogations sur le respect des normes de sécurité ne sont pas une vue de l'esprit de quelques illuminés. Des instances officielles sont déjà intervenues. A commencer par la commune de Reconvilier, ce printemps. Mais aussi le Service de défense La Birse. Il y a quelques semaines, les pompiers ont été appelés suite à une alarme. Sur place, ils ont constaté que l'incident avait pu être maîtrisé à l'interne. Toutefois, sans doute inquiet de la situation, le commandant aurait transmis à la préfecture de Moutier une note faisant état de ses préoccupations. Interpellé à ce propos, le préfet Jean-Philippe Marti n'a voulu ni confirmer ni infirmer l'existence d'un tel document.Le JdJ a aussi voulu demander des informations concernant le respect des normes de sécurité, tant auprès de la Suva que du beco Economie bernoise ou encore de l'Assurance immobilière du canton de Berne. Mais ces différentes instances refusent de répondre à des questions précises. Se retranchant derrière la confidentialité à laquelle elles sont tenues, elles ne donnent que des informations générales. Quoi qu'il en soit, un ancien cadre de la Boillat constate que la négligence en matière d'entretien et de sécurité ne doit rien au hasard. A ses yeux, cela fait pleinement partie de la stratégie de Martin Hellweg. Le moment venu, souligne-t-il, le CEO aura beau jeu de dire que les installations ne sont plus conformes et que leur remise en état serait trop coûteuse. Il pourra alors annoncer le plus tranquillement du monde que tel ou tel équipement doit être mis à l'arrêt. Le personnel en a d'ailleurs eu un avant-goût il y a quelques jours, lorsque la direction l'a informé du calendrier de fermeture des fours: contrairement aux engagements pris suite au rapport de l'expert Jürg Müller qui appelait au maintien à moyen terme des activités de fonderie sur le site de Reconvilier, le transfert de ces activités à Dornach a été annoncé pour fin 2007. «Toutes les prescriptions sont respectées»Du côté de la direction de Swissmetal, on balaie tous ces griefs portant sur la sécurité ou la protection de l'environnement. Responsable de la communication et du développement du groupe, Sam Furrer assure en effet que la direction accorde la plus grande attention aux questions de sécurité et qu'elle fait tout pour éviter le moindre pépin. Cela dit, il constate qu'aucune entreprise n'est à l'abri d'un incident comme celui survenu avec le four Solo. Mais quoi qu'il en soit, cet incident n'a pas entraîné de danger particulier. Dans ces conditions, souligne-t-il, la direction n'a aucune raison de donner de plus amples informations, car de tels incidents ne relèvent pas du domaine public, mais uniquement de la sphère privée de l'entreprise. «La seule chose que je peux dire, c'est qu'il n'y a pas de problèmes particuliers à la Boillat et que toutes les prescriptions en matière de sécurité sont respectées», assure Sam Furrer.Article précédent | Article suivant | Sommaire des articles Sur le même sujet
Actualisé le 12.12.06 par webmaster
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