Swissmetal Boillat | Après la rupture de la médiation, les commissions ont fait leurs contre-propositions

Sans réelle autonomie, la Boillat va disparaître, et Swissmetal avec elle

Source : Journal du Jura
Date : vendredi 21 juillet 2006
Auteur : Philippe Oudot
Copyright : Journal du Jura
Swissmetal dit vouloir appliquer les recommandations de l'expert. Mais pour les commissions, il faut aller plus loin et donner une réelle autonomie à la Boillat. Il en va de sa survie - et de celle du groupe.
Trois jours avant son assemblée générale des actionnaires, le groupe Swissmetal annonçait avec fracas qu'il mettait fin unilatéralement et de manière immédiate à la médiation conduite par Rolf Bloch. Une mesure que le groupe justifiait en affirmant que la délégation du personnel à la médiation n'était plus représentative et était «influencée par des forces régionales et patriotiques» qui ne visent qu'à la destruction et à la faillite de Swissmetal.

Dans la foulée, le groupe annonçait son intention d'appliquer de son propre chef les recommandations de l'expert industriel Jürg Müller (voir «Les propositions» ci-dessous), mais sans l'organe de surveillance indépendant que celui-ci proposait. De toute évidence, cette annonce constituait un message à l'adresse des actionnaires pour leur montrer que Martin Hellweg tenait la situation bien en main et que le conflit à Reconvilier appartenait au passé.

On les envoie malgré tout

Si la rupture de la médiation a mis un terme aux tractations conduites par Rolf Bloch, les représentants du personnel ont néanmoins décidé de soumettre, comme prévu, leurs contre-propositions à l'expert (voir «Ce que veulent les commissions» ci-dessous). Histoire de démontrer qu'ils disposaient de bons arguments pour ne pas les accepter telles quelles. Elles en ont également adressé copie à la direction de Swissmetal et à Unia.

En fait, indique un des membres des commissions qui ont rédigé ce document, il s'agit plutôt de propositions complémentaires, puisqu'elles reprennent point par point celles de Jürg Müller en apportant des précisions et en fixant de manière très claire les différents points. «Nos contre-propositions n'ont qu'un seul objectif: garantir les conditions nécessaires au bon fonctionnement de la Boillat. Pour cela, le site doit avoir une autonomie suffisante au sein du groupe Swissmetal pour retrouver le niveau de performances qui était le sien et répondre ainsi aux exigences de ses clients. Et cela passe par le réengagement d'une grande partie du personnel et des cadres licenciés.»

C'est tout ou rien

Pour notre interlocuteur, les propositions de l'expert ne sont qu'un compromis insatisfaisant, car elles ne suffisent pas à assurer le bon fonctionnement - et donc la pérennité du site. «La Boillat ne peut vivre et se développer qu'en gardant la maîtrise totale de toutes les phases de la production. Et pour cela, il nous faut la totalité du personnel que nous avions l'an dernier, soit au moins 350 personnes. Mais cela, Unia ne l'a pas compris. Le syndicat a des œillères et ne pense qu'à sauver 200 emplois. Mais il ne se rend pas compte qu'une telle Boillat n'est pas viable.»

De plus, poursuit-il, le CEO Martin Hellweg se trompe complètement quand il parle de synergies et d'intégration entre les sites, car ils sont trop différents, tant par les produits fabriqués que par les techniques utilisées, le type de clients ou encore la mentalité des employés. «A la Boillat, nous avons développé une culture d'entreprise où chacun donne le meilleur de lui-même pour assurer la qualité du produit tout au long des différentes phases de la production. Pour pouvoir usiner une barre de décolletage à plus de 10 000 tours/minute, la rectitude de celle-ci doit être parfaite. C'est ça qui fait - ou plutôt qui faisait - notre force. Cela n'a rien à voir avec ce qui se fait à Dornach ou à Lüdenscheid! Demandez aux clients pour savoir ce qu'ils en pensent!»

La der qui sonne

Pour notre interlocuteur, la mise en application de ces contre-propositions est la seule façon de sauver la Boillat - si tant est qu'elle peut encore être sauvée. Le site de Reconvilier doit en effet retrouver son autonomie pour faire revenir les anciens cadres et restaurer la confiance des clients. Dégoûtés par la façon dont Swissmetal les traite, ils sont en effet toujours plus nombreux à chercher d'autres fournisseurs. Il se dit persuadé que «ces clients seraient prêts à revenir s'ils pouvaient retravailler avec le team Boillat, et pas avec l'équipe d'incompétents que Swissmetal a mis en place». Il est donc urgent d'agir, faute de quoi le site de Reconvilier est condamné. Et dans sa chute, il risque bien d'entraîner le groupe dans son ensemble.

Les propositions de l'expert

Le rapport rédigé par Jürg Müller est resté confidentiel, et seules ses propositions ont été présentées aux parties prenantes à la médiation. Acceptées par Swissmetal et Unia, ces propositions portaient sur cinq points. D'un côté, la stratégie de Swissmetal était confirmée, avec un seul centre de transformation à chaud (fonderie centralisée et presse). Mais de l'autre, il précisait que «la fonderie de Reconvilier sera maintenue pour les prochaines années». Par ailleurs, concernant la réalisation de sa stratégie, Swissmetal était invité à donner un plan de la marche à suivre pour les différentes étapes.

Concernant les 111 collaborateurs licenciés, l'expert enjoignait Swissmetal de réengager autant de monde que possible. Environ 45 personnes auraient ainsi été réengagées. S'agissant des stocks de matières premières et de produits finis, il demandait à ce qu'ils soient alimentés en quantités suffisantes.

Jürg Müller invitait aussi Swissmetal à nommer un «chef d'usine» responsable à plein temps de la Boillat. Quant aux 21 cadres licenciés, il constatait qu'une dizaine de postes de cadres étaient toujours vacants. Il suggérait à Swissmetal de les réengager en priorité, ces derniers devant toutefois soutenir la stratégie du groupe.

«Nous voulons en tenir compte»

Du côté d'Unia, Anne Rubin, porte-parole du syndicat, confirme la réception de ces contre-propositions. «Nous les avons examinées et allons en tenir compte. Ainsi, lorsque nous entrerons en négociations avec Swissmetal concernant la constitution du groupe de suivi des propositions de l'expert, nous allons essayer d'en faire passer quelques-unes.»

Pour sa part, l'expert Jürg Müller confirme lui aussi avoir bien reçu le document des commissions. Toutefois, étant donné que le processus de médiation est terminé, et donc sa mission également, il préfère s'abstenir de tout commentaire.

Quant à Sam Furrer, responsable de la communication de Swissmetal, il indique que la direction a également reçu ces contre-propositions, mais il n'a rien à dire à ce propos.

Ce que veulent les commissions

Le document rédigé par les commissions reprend point par point les propositions de l'expert. S'agissant de la stratégie, elles demandent à ce que toutes commandes adressées à la Boillat y soient exécutées sur le parc de machines actuel - presses et fonderie comprises - avec une garantie à long terme. Elles demandent à Swissmetal de prouver la nécessité de centraliser toutes les opérations de transformation à chaud. Le cas échéant, elles réclament une argumentation démontrant la pertinence du choix du site d'implantation. Et d'ajouter que la stratégie de Swissmetal doit garantir la fabrication des spécialités Boillat selon les exigences des clients, et que la mise en œuvre de la stratégie doit se faire sans perturbation pour l'approvisionnement des clients. Concernant le personnel, les commissions demandent à ce que Swissmetal réengage un nombre suffisant des 112 collaborateurs licenciés afin de respecter le carnet de commandes et satisfaire les clients. Elles exigent que les nouveaux contrats que Swissmetal fait signer respectent la CCT, et qu'ils tiennent notamment compte de la décision du personnel qui avait refusé la proposition concernant l'annualisation du temps de travail. Elles réclament également la levée des préavis de licenciement envoyés aux membres des commissions.

Reconstituer les stocks

En ce qui concerne l'approvisionnement en matières, ces dernières demandent que Swissmetal reconstitue au minimum les stocks de fin décembre 2005, faute de quoi il est impossible d'assurer une production dans des conditions acceptables - et de respecter le carnet de commandes. Et notre interlocuteur de préciser qu'en période normale, il y avait à la Boillat entre 8000 et 9000 tonnes de stocks, des matières premières au produits prêts à être livrés. A fin 2005, le stock avoisinait les 6000 tonnes, et aujourd'hui, il se situe entre 2500 et 3500 tonnes.

Contrairement à Jürg Müller, qui propose la nomination d'un chef d'usine, les membres des commissions réclament un véritable directeur de site, agréé par le personnel, doté d'une large autonomie décisionnelle afin de pouvoir atteindre les objectifs fixés et satisfaire les clients. «Il faut en revenir à la situation qui prévalait avant la première grève de novembre 2004», relève notre interlocuteur. Dans un premier temps, ce directeur devra réorganiser le site de la Boillat pour qu'il puisse produire à nouveau de manière optimale. Il sera aussi le représentant du site au sein de la direction générale.

S'agissant des cadres, ce sera au directeur de site de décider des modalités et du nombre de cadres nécessaires, priorité étant donnée aux cadres licenciés pendant la grève. En ce qui concerne l'organe de surveillance que proposait l'expert, elle aurait pour mission de veiller à la mise en application des propositions. La présidence devrait revenir au médiateur Rolf Bloch, assisté par l'expert Jürg Müller. Un représentant d'Unia et de Swissmem seraient les deux autres représentants. Quant à la direction de Swissmetal et aux commissions du site de Reconvilier, elles seraient les interlocuteurs de l'instance de surveillance.


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Actualisé le 28.06.07 par webmaster
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