Swissmetal UMS Holding SA | Assemblée générale ordinaire des actionnaires

«Dans la situation actuelle, le conseil d'administration n'est plus crédible !»

Source : Journal du Jura
Date : samedi 1er juillet 2006
Auteur : Philippe Oudot
Copyright : Le Journal du Jura
L'assemblée des actionnaires s'est tenue hier à Berne. Le conseil d'administration a subi le feu très nourri des critiques de nombreux petits actionnaires présents. Mais toutes les propositions ont été approuvées avec des résultats quasi soviétiques.
Initialement prévue le 7 juin et finalement reportée au 30 - soit le dernier jour légal, conformément aux statuts -, l'assemblée générale des actionnaires s'est déroulée au Stade de Suisse, à Berne. Excédés par la politique du conseil d'administration et du CEO Martin Hellweg, de nombreux petits actionnaires ont pris part à l'assemblée afin de dénoncer ces agissements. En tout, 112 actionnaires étaient présents, représentant quelque 2 879 744 actions, chaque action donnant droit à une voix.

Avant de passer à l'examen du rapport et des comptes annuels, Friedrich Sauerländer, président du conseil d'administration, a dressé un état des lieux de la situation du groupe. Il a rappelé que depuis le refinancement de Swissmetal, en 2004, le groupe avait développé une stratégie de croissance, afin d'atteindre une masse critique suffisante.

A propos du conflit de la Boillat, Friedrich Sauerländer a dénoncé ceux qui se sont opposés contre la stratégie du groupe et qui ont eu recours à une grève qualifiée d'illégale, avec l'appui de forces extérieures. Il a dénoncé les propos mensongers que ces gens ont donnés, qui ont été retranscrits par les médias. Ce mouvement, qui a largement dépassé le cadre du conflit, a fait beaucoup de tort au groupe, a-t-il souligné.

On reprend la main

A propos de la médiation, il a indiqué que Swissmetal s'était beaucoup investi dans ce processus, mais il en a justifié la rupture en indiquant que l'expert Jürg Müller avait montré la voie à suivre et que Swissmetal avait bien l'intention de mettre en œuvre ses recommandations - ce qui a déjà été commencé. «Mais il était bien clair pour nous que nous devions reprendre la main pour atteindre ces objectifs», a-t-il avancé en guise de justification.

Le CEO Martin Hellweg est quant à lui revenu sur son travail depuis qu'il a assuré le refinancement du groupe, en 2004. D'emblée, il a voulu combler le fossé qui existe entre les sites de Reconvilier et de Dornach. Une tâche bien plus ardue qu'il l'avait imaginée et qui va prendre des années. A propos de la stratégie du groupe, il a rappelé que l'objectif pour 2010 est d'avoir quatre à cinq sites de production dont un en Asie, car de plus en plus de clients y sont installés, notamment dans le secteur des instruments d'écriture, et qu'un groupe aux ambitions mondiales se devait d'être présent sur place. Il a aussi souligné que Swissmetal devait devenir une véritable entreprise de services plutôt qu'un fabricant de produits. Quant aux objectifs financiers, Swissmetal a l'ambition d'atteindre 300 mios de francs de valeur ajoutée brute (chiffre d'affaires sans la matière), alors que celle-ci atteint aujourd'hui 150 mios de francs.

Revenant sur la nouvelle presse de Dornach, il a indiqué que les travaux vont bon train et que les premiers tests auront lieu en 2007, la production en série devant démarrer en 2008.

Avoir les moyens d'agir

A propos de la demande d'augmentation de capital, Martin Hellweg a souligné qu'elle était nécessaire afin de pouvoir réagir rapidement face aux opportunités du marché. Elle permettra par ailleurs de mettre en œuvre le programme de bonus «Nordstern» (distribution d'actions) afin de récompenser les cadres et collaborateurs méritants. Une manière de fidéliser le personnel, de renforcer sa motivation, ainsi que son identification au groupe.

Pour sa part, la directrice des finances Yvonne Simonis est revenue sur les comptes 2005. Si le chiffre d'affaires est resté relativement stable (-3%), c'est en particulier en raison de l'explosion des prix du cuivre. Alors que la tonne valait 3000 $ à fin 2004, son prix a grimpé à 4500$ à fin 2005 pour exploser ce printemps, frisant la barre des 9000$ avant de redescendre entre 6000 et 7000$. Mais en réalité, la situation est beaucoup moins rose, avec une production en recul de 16%, à 28 500 tonnes, alors que la valeur ajoutée brute (chiffre d'affaires sans la matière) chutait de 12%. Elle a aussi indiqué que pour compenser les pertes dues à la grève, Swissmetal avait vendu ce printemps 1800 tonnes de cuivre, pour une valeur de 5,7 mios de francs.

Avalanche de questions des petits actionnaires

Avant que le rapport annuel ne soit soumis à l'adoption de l'assemblée générale, de nombreux petits actionnaires ont soumis le conseil d'administration au feu nourri de leurs questions et de leurs critiques. Membre du comité directeur d'Unia, André Daguet a constaté que la façon dont le conseil d'administration gère le groupe ne permet pas d'assurer l'avenir. Il a dénoncé les engagements non tenus (le protocole d'accord de 2004), l'absence de volonté du groupe de trouver une solution pour régler le conflit à Reconvilier, qualifiant la gestion du conflit - et notamment la rupture de la médiation - de «pas sérieuse et d'irresponsable. Aujourd'hui, le conseil d'administration n'est plus crédible», a-t-il asséné.

Des griefs rejetés par Friedrich Sauerländer. S'agissant du protocole d'accord, il a admis qu'après la mise à l'écart («le départ», selon lui) de Patrick Rebstein, la Boillat n'avait plus de directeur. Mais conformément aux recommandations de l'expert, Swissmetal va prochainement nommer un directeur de site. En revanche, a-t-il asséné, les employés n'ont pas respecté non plus leurs engagements puisqu'ils n'ont pas soutenu la stratégie du groupe et se sont mis à nouveau en grève. Il a également réfuté le qualificatif d'«irresponsable».

Et la qualité, bon sang ?

Ancien directeur de Recherche et Développement de la Boillat, Peter Isler a constaté qu'avec la mise en application de sa stratégie, le conseil d'administration et la direction ont porté très fortement atteinte à bonne réputation de la Boillat. En exigeant le réengagement immédiat des 21 cadres licenciés, le personnel a montré son sens des responsabilités, car sans cet encadrement, la Boillat n'est plus en mesure de respecter ses engagements et de fournir ses clients avec des produits de qualité. Et de demander comment Swissmetal compte faire pour regagner cette qualité - et la confiance de ses clients.

En guise de réponse, Martin Hellweg a asséné que leur licenciement était la conséquence de la grève. Et de relever qu'une entreprise ne peut pas se permettre le luxe d'avoir des cadres qui sont opposés à la stratégie définie par le management. Swissmetal les a d'ailleurs invités à un entretien individuel pour un éventuel réengagement, mais ils n'y ont pas donné suite. S'agissant de la qualité, il a estimé que si tout le monde tire à la même corde, la Boillat peut parfaitement retrouver le niveau qu'elle avait auparavant.

Une erreur stratégique

Ancien membre de la direction à Reconvilier, Jean-Guy Berberat a constaté que la stratégie de Martin Hellweg n'avait rien d'original. Au lieu de s'acharner sur la Boillat, une usine qui marche, le CEO ferait mieux de restructurer les boulets que sont Dornach et Lüdenscheid. A propos de l'acquisition de cette usine, au début février, il l'a qualifié d'«erreur stratégique».

Ancien directeur de la Boillat, Paul Sonderegger a quant à lui dénoncé les artifices comptables de la direction qui, pour présenter un résultat acceptable, a bradé de la matière sous prétexte d'une meilleure gestion des stocks. Sans ces ventes, Swissmetal aurait présenté des résultats négatifs, alors même que la conjoncture dans la branche était bonne l'an dernier. «Avec une rentabilité du capital inférieure à 1,5%, on est bien loin de votre objectif de 9%, mais vous ne vous en vantez pas!», a-t-il lancé à l'adresse de Martin Hellweg.

Ancien cadre à Reconvilier, Edmond Bailat a quant à lui déploré qu'il était irresponsable de licencier tous les cadres et un tiers du personnel quand le carnet de commandes est plein. Résultat: Swissmetal n'est plus en mesure de livrer ses clients, et la matière proposée en provenance de Busch-Jaeger ne permet pas de les satisfaire. Et de s'interroger sur la perte subie. Une perte que Friedrich Sauerländer n'a pas chiffrée, se contentant de dire que les performances de la Boillat correspondent à environ 70% de ce qu'elles étaient avant la grève.

Autre petit actionnaire, Luc Maillard a fustigé le management de Martin Hellweg, demandant au conseil d'administration comment il appréciait son travail. «Il a notre plein soutien», a rétorqué le président Sauerländer. Un autre actionnaire a demandé quel est le salaire du CEO. «Ce sont des informations que nous ne publions pas», lui a-t-on répondu.

Patron d'une petite PME cliente indirecte de la Boillat, André Calame a souligné qu'avec la gestion calamiteuse de la direction, les clients sont très préoccupés et que beaucoup sont eux-mêmes en danger. En particulier dans le secteur du décolletage, visiblement totalement négligé dans la stratégie du groupe. Vice-président du groupe, Volker Suchordt a assuré que tel n'était pas le cas et que le groupe avait non seulement l'intention de maintenir son site de Reconvilier, mais aussi de le développer.

Formalisme étroit

Au moment de passer à l'approbation du rapport annuel, plusieurs intervenants ont encore voulu s'exprimer. Secrétaire général de l'Association des fabricants de décolletages et de taillages (AFDT), Jean-Daniel Renggli s'est vu adressé une fin de non-recevoir, son intervention arrivant trop tard. Une attitude dénoncée avec force par Dominique Lauener, patron de l'entreprise Lauener & Cie SA, gros client de la Boillat. «Comme d'habitude, vous déviez la balle en corner. Mais la moindre des politesses serait d'écouter vos clients! Sinon, je ne sais pas quel chiffre d'affaires Swissmetal fera encore à l'avenir!», a-t-il clamé sous de vifs applaudissements d'une bonne partie de la salle.

Des votes dignes du Soviet suprême

Finalement, le président a soumis le rapport annuel à l'approbation de l'assemblée. Celui-ci a été adopté par 99,76%, contre 0,08% de non. Score encore plus écrasant pour les comptes 2005, approuvés par 99,9% des voix.

A l'heure de donner décharge au conseil d'administration, plusieurs voix se sont encore fait entendre. A l'instar d'Edouard Höllmüller, pour qui le conseil d'administration ne mérite pas décharge en raison de sa gestion catastrophique: deux grèves; deux médiations échouées; perte de clients; perte de réputation; perte de confiance du personnel; baisse de la qualité des produits; baisse du bénéfice; anéantissement du potentiel d'innovation, etc. Des propos appuyés par André Daguet adressés au conseil d'administration: «Vous êtes incompétents et ne méritez pas décharge!»

Représentant un gros actionnaire, Bernhard Schürmann a quant à lui défendu le conseil d'administration, soulignant que les gros actionnaires en avaient marre de toute cette affaire et que leur patience était à bout: «Si nous n'avions pas été là lors de l'opération de refinancement en 2004, il y a longtemps qu'on ne parlerait plus de Swissmetal!», appuyés par quelques timides applaudissements. Au final, c'est par 99,83% que la décharge a été accordée au conseil d'administration.

La proposition de modification des statuts, avec le déplacement du siège de Berne à Dornach a également été plébiscitée sans beaucoup de discussion. En revanche, la proposition d'augmentation de capital de l'ordre 40% a été contestée. Coprésident de la CEP, Jean-Pierre Rérat a mis en évidence le manque de cohérence que représente l'acquisition de Busch-Jaeger et de Avins par rapport à la stratégie, ces deux entreprises n'ayant guère de spécialités. De plus, avec l'investisseur Laxey Partners, connu pour sa volonté de maximaliser les profits à court terme et qui pèse plus de 20% du capital et qui disposera d'un siège au conseil d'administration, «cette augmentation de capital est presque un blanc-seing donné au conseil d'administration. Voilà pourquoi je propose de refuser cette augmentation.» Martin Hellweg a contesté son affirmation selon laquelle les deux acquisitions ne s'inscrivaient pas dans la stratégie du groupe. S'agissant de Busch-Jaeger, Volker Suchordt a assuré que la société allemande avait fait d'énormes progrès. Finalement, l'augmentation de capital n'a été acceptée «que» par 98,08% des voix, contre 1,91% de non.

Au chapitre des élections, la proposition du conseil d'administration de reconduire les quatre sortants - Friedrich Sauerländer, Martin Hellweg, Max Locher et Dominik Koechlin - et de nommer deux nouveaux - Roger Bühler, représentant de Laxey Partners, et Ralph Glassberg - a été plébiscitée par 99,86% des voix. Mais auparavant, Paul Sonderegger a proposé de nommer également Peter Isler, afin d'assurer la présence d'un spécialiste au sein du conseil d'administration. Une proposition rejetée par l'assemblée, par 97,03% des voix.

Après cinq heures de débats et avant que le président mette un terme aux débats en affirmant que le message des petits actionnaires avait été compris, Jean-Daniel Renggli a invité le management de Swissmetal à nommer rapidement un directeur de site à la Boillat qui soit accepté par le personnel. Un autre a encore constaté que la valeur boursière de Swissmetal valait actuellement 100 mios de francs. une somme qu'il a jugée fortement surévaluée. Et de lancer à l'assistance: «Dépêchez-vous de vendre avant qu'elle ne dégringole!»

La lutte continue

Au terme de l'assemblée des actionnaires, les initiateurs de la Nouvelle Boillat - Paul Sonderegger, Jean-Guy Berberat et Peter Isler - étaient plutôt satisfaits. «Au vu du rapport des forces, nous ne nous attendions pas à un autre résultat. Si on analyse les résultats des votes, on constate que nos positions ont été suivies par bien plus de gens que notre poids réel. Nous avons donc bien joué notre rôle d'élément perturbateur, qui pose des questions dérangeantes», a souligné Paul Sonderegger. Il était d'autant plus satisfait que l'association a été portée sur les fonts baptismaux il y a moins d'un mois. C'est dire si le bouche-à-oreille a bien fonctionné. Cela dit, il constate que le conseil d'administration n'a pas souvent répondu aux questions, les esquivant ou se réfugiant derrière des généralités. Pour sa part, Jean-Guy Berberat a souligné que le conseil d'administration est si imbu de lui-même qu'il n'est même pas capable de voir que la mise en application de sa stratégie est en train de détruire les objectifs qu'il s'est lui-même fixés. Et cela avec la bénédiction des principaux actionnaires. Il a déploré le souverain mépris affiché à l'encontre des clients. Et de souligner que pour des produits exclusifs et de qualité, ceux-ci sont prêts à y mettre le prix. Pour sa part, Peter Isler a constaté qu'en refusant sa candidature, le conseil d'administration a montré sa suffisance, car ses compétences dans le domaine auraient pu être utiles au sein du conseil. Quant à l'avenir, la Nouvelle Boillat n'a pas l'intention de baisser les bras. «Nous allons analyser la situation, mais la lutte continue!», a conclu Jean-Guy Berberat.



Article précédent | Article suivant | Sommaire des articles
Actualisé le 19.11.06 par webmaster
Haut de la page | Page précédente | 'Imprimer la page dans un format adapté à l'imprimante