Swissmetal Boillat | Natacha Guerne, une jeune femme révoltée

«Martin Hellweg est en train de tout bousiller»

Source : Journal du Jura
Date : vendredi 23 juin 2006
Auteur : Philippe Oudot
Copyright : Le Journal du Jura
La lutte des Boillats a suscité une vague de solidarité dans la région. Syndicaliste dans l'âme, Natacha Guerne se dit révoltée par le démantèlement orchestré par Martin Hellweg avec l'appui de ses actionnaires.
Solidarité, droit des travailleurs, mobilisation, militantisme, syndicat: Natacha Guerne a beau n'avoir que 26 ans, elle en connaît déjà un bout dans ce domaine. Pas vraiment étonnant pour quelqu'un qui a grandi dans une famille où père et mère sont très engagés sur le plan syndical. «Disons que mon propre engagement n'a pas commencé au tout début de mon apprentissage, mais plutôt quand je me suis rendu compte du soutien que pouvait apporter un syndicat», souligne la jeune militante, membre du comité des femmes d'Unia Transjurane.

C'est donc tout naturellement que cette jeune femme, qui travaille dans une entreprise de décolletage de la Vallée, s'est sentie solidaire des Boillats quand ceux-ci ont engagé leur bras de fer avec Martin Hellweg pour défendre leur outil de production. «J'ai beaucoup de connaissances qui travaillent dans l'usine, et le mari d'une de mes cousines fait partie des cadres licenciés. Tout cela m'a révoltée. J'ai participé à quasiment toutes les manifs, déjà lors de la grève de 2004, puis depuis la 2e grève. Que ce soit à Reconvilier, ou sur la place Fédérale. C'est vraiment un combat que je soutiens à fond.»

Une solidarité partagée par beaucoup de gens de la région - des travailleurs, bien sûr, mais aussi des employeurs. A l'instar de son patron, qui est client de la Boillat. En fait, souligne la jeune employée de bureau qui travaille au service d'expédition de cette entreprise, «cette 2e grève nous a sérieusement affectés, mais malgré cela, mon patron a dit qu'il comprenait les employés de la Boillat».

Du personnel en or

Si elle avait Martin Hellweg en face d'elle? Natacha Guerne lui dirait ses quatre vérités, notamment qu'il n'a pas le droit de démolir ainsi une entreprise qui fonctionne bien, de détruire des vies et des familles uniquement pour gagner un maximum de fric. «Mais je lui dirais surtout qu'il n'a vraiment rien compris: en voyant ainsi ses employés se battre pour défendre leur outil de travail, en voyant leur motivation à travailler pour continuer à fabriquer des produits de qualité, un vrai patron devrait être fier! Il devrait miser sur eux, car ce sont des employés en or! Et au lieu de cela, il est en train de tout bousiller!»

Très inquiète quant à l'avenir de la Boillat, la jeune femme en arrive à comparer l'usine de Reconvilier à un condamné qui se trouve dans le couloir de la mort et qui espère un hypothétique coup de fil lui accordant la grâce présidentielle... Une image forte, qui ne l'empêche cependant pas de continuer de soutenir à fond la lutte des Boillats.

Elle déplore toutefois les accusations de traîtrise portée contre Unia qui, la semaine dernière, a apporté son soutien aux propositions de l'expert Jürg Müller. «Je me dis que si une grève d'un mois n'a pas permis aux ouvriers d'obtenir satisfaction sur leurs revendications, ce compromis, qui n'est pas idéal, permet au moins de conserver 200 à 250 places de travail. C'est quand même mieux que rien du tout. Ce n'est bien sûr pas à moi de décider à la place des Boillats, mais j'ai peur qu'en allant jusqu'au bout, Hellweg ne mette ses menaces à exécution et boucle tout pour ne conserver plus qu'un entrepôt à Reconvilier», souligne-t-elle.

Aussi, en découvrant qu'un appel invitant les employés de la Boillat à démissionner d'Uniaavait été lancé, la jeune militante syndicale n'a pas hésité à réagir: «J'ai écrit à cette personne pour lui dire que cet appel à la démission était une mauvaise idée. Car même si on ne partage pas l'avis d'Unia sur cette question, le syndicat est un instrument qui défend les intérêts des travailleurs. Sans syndicat, les ouvriers se retrouveraient seuls et complètement démunis», assure-t-elle.

Une vraie militante

Pour cette jeune femme, ce ne sont pas des paroles en l'air: le 14 juin dernier, à l'occasion de la journée pour l'égalité des salaires, elle n'a pas hésité à prendre congé pour se rendre à Porrentruy devant l'entreprise Prisma Electronic SAavec les femmes d'Unia Transjurane. «Les travailleuses de cette entreprise touchent de très bas salaires et sont payées à la production. Nous les avons informées de leurs droits et leur avons notamment distribué des flyers en forme de billet de banque de 39 fr. aux couleurs de billets de 50 fr.» Une manière de stigmatiser les différences de salaires de 20% qui existent toujours entre hommes et femmes.

C'est aussi ce côté militant qui a poussé la jeune femme à adhérer à l'association Nouvelle Boillat et à acheter deux actions Swissmetal. «Je sais qu'il en faudrait dix pour aller à l'assemblée générale de Swissmetal, vendredi prochain. J'espère toutefois que je pourrai m'arranger avec les responsables de la Nouvelle Boillat pour avoir une carte d'entrée. J'aimerais tellement pouvoir y participer et voir qui sont vraiment ces gens comme Hellweg ou les membres du conseil d'administration!»


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