Swissmetal Boillat | Jürg Müller a répondu aux questions du personnel sur ses propositions

Les employés les examineront avec soin et feront des contre-propositions

Source : Journal du Jura
Date : mardi 20 juin 2006
Auteur : Philippe Oudot
Copyright : Le Journal du Jura
Séance mouvementée, hier après-midi à Reconvilier. Malgré les explications de l'expert Jürg Müller, les employés se donnent le temps de la réflexion avant de voter et envisagent de faire d'autres propositions.
La Salle communale de Reconvilier était pleine comme un œuf, hier, sur le coup de 13 h 30. Les employés actuels, mais également tous ceux qui ont été licenciés depuis le début de la grève ou qui sont interdits de site étaient invités à participer à l'assemblée du personnel. Celle-ci devait se déterminer sur les propositions de l'expert Jürg Müller présentées jeudi dans le cadre de la médiation. Mais il n'en a rien été.

Dirigée par Mario Grünenwald, président de la commission d'entreprise, la séance, qui s'est tenue à huis clos, a en effet commencé dans une atmosphère très électrique. D'emblée, les cadres de l'usine qui font partie de l'actuel organigramme, ainsi que le directeur industriel Henri Bols et la cheffe du personnel Laura Rossini ont été priés de quitter la salle, sous les huées de la foule.

Très remontées, plusieurs personnes ont également exigé le départ des représentants du syndicat Unia, notamment celui du coprésident Renzo Ambrosetti. Mais finalement, grâce à l'intervention du porte-parole du mouvement Nicolas Wuillemin, ceux-ci ont pu participer à l'assemblée. Sur ces entrefaites, plusieurs employés ont quitté la salle en guise de protestation. Certains parce que les syndicalistes étaient autorisés à rester, d'autres au contraire parce que la direction avait dû quitter la salle (lire: «On n'a pas d'autre solution»).

Jürg Müller au front

Comme il l'avait indiqué jeudi au terme de la séance de médiation, l'expert Jürg Müller est venu en personne présenter les conclusions de son rapport et répondre aux nombreuses questions des employés concernant ses cinq propositions. A savoir: la confirmation de la stratégie de Swissmetal (presse et fonderie centralisée, mais avec maintien de la fonderie à Reconvilier pendant plusieurs années); réengagement des collaborateurs licenciés dans la mesure des possibilités de Swissmetal; alimentation suffisante des stocks de matières premières et de produits finis; nomination d'un chef d'usine; réengagement d'une dizaine des 21 cadres licenciés.

En dépit des explications de Jürg Müller, les employés, extrêmement méfiants, ont jugé les propositions trop peu concrètes. Soulignant que les problèmes actuels de la Boillat sont dus à l'incompétence de l'encadrement actuel, ils ont réclamé une planification détaillée et exigé des garanties quant au groupe d'accompagnement chargé de contrôler l'application des propositions de l'expert. De qui sera-t-il composé? Quelles seront ses compétences? L'expert n'ayant pu leur donner de réponses précises, ils ont décidé de se laisser le temps de la réflexion avant de se prononcer.

Comme nous l'a expliqué un employé au terme de l'assemblée, «lorsqu'on avait accepté de suspendre la grève, à fin février, on avait dû voter immédiatement, et beaucoup d'entre nous ont regretté d'avoir été ainsi mis sous pression. Voilà pourquoi nous voulons pouvoir réfléchir avant de voter».

Des contre-propositions


Mais ce n'est pas tout. Durant la séance, plusieurs personnes, dont Nicolas Wuillemin, ont estimé que le personnel n'avait pas à accepter telles quelles les propositions de l'expert, dans la mesure où elles ne lui donnent pas satisfaction. Il a notamment asséné que «les parties doivent pouvoir faire des contre-propositions dans le cadre de la médiation, car en fin de compte, c'est bien un processus démocratique, non?»

Après l'assemblée, les discussions allaient bon train entre les petits groupes d'employés. «J'ai l'impression que MM. Müller et Bloch sont comme des avocats qui doivent défendre quelqu'un à qui on va de toute façon trancher la tête. La seule chose qu'ils peuvent faire, c'est retarder cette échéance», soulignait une employée. Pour un de ses collègues, ces propositions sont complètement déconnectées de la réalité: «Avec le cahier de commandes que nous avions avant la grève, on avait déjà de la peine à tourner avec 350 collaborateurs. Et maintenant, on voudrait nous faire croire que la Boillat peut fonctionner avec 200 à 250 personnes? C'est complètement illusoire!»

Ces prochains jours, les membres de la délégation de la Boillat à la médiation vont se réunir afin de présenter des contre-propositions. Au début de la semaine prochaine, une nouvelle assemblée du personnel fera son choix entre les propositions de l'expert et les contre-propositions de la délégation. Si les employés retiennent ces dernières, elles seront envoyées au médiateur Rolf Bloch, qui devra alors les soumettre à Swissmetal.

Et si le groupe refusait d'entrer en matière et s'en tenait aux propositions de l'expert, le personnel pourrait-il se remettre en grève? «Vraisemblablement pas, car ce serait donner un trop beau prétexte à Hellweg qui n'attend qu'un faux pas de notre part pour tout boucler! Le cas échéant, la médiation prendrait sans doute fin et nous continuerions à travailler dans la situation chaotique d'aujourd'hui. Ce serait alors à Swissmetal de prendre ses responsabilités. Cette fois en effet, Hellweg et la direction seraient bien obligés d'assumer leur incompétence et ne pourraient plus nous faire porter le chapeau comme ils cherchent toujours à le faire!» nous a expliqué un membre de la commission d'entreprise.

Prêt à revenir

En sortant de la salle, l'expert Jürg Müller a indiqué aux nombreux médias présents que la rencontre s'était déroulée dans un esprit positif. Les employés ont posé une foule de questions dans un esprit constructif, mais il a une nouvelle fois constaté le terrible manque de confiance entre les employés et le management. S'agissant des contre-propositions qui pourraient être faites, il a indiqué que la marge de manœuvre était étroite, mais que la porte n'est pas fermée. En revanche, il a clairement dit au personnel que dans le système économique et politique que connaît la Suisse, c'est le conseil d'administration qui définit la stratégie de l'entreprise, et pas le personnel.

Ces prochains jours, Jürg Müller rencontrera Rolf Bloch et son assistant Roman Manser pour leur rendre compte de la séance d'hier. Il a par ailleurs indiqué aux employés qu'il se tenait à leur disposition s'ils souhaitaient sa présence lors de leur prochaine assemblée du personnel, qui doit se tenir au début de la semaine prochaine.

Contacté par le JdJ pour connaître la réaction de Swissmetal après l'assemblée d'hier après-midi, Sam Furrer, responsable de la communication, a indiqué que le groupe n'avait aucun commentaire à faire à ce propos.



«On n'a pas d'autre solution»

La séance d'hier a démontré que les employés de la Boillat ne font plus front commun. S'il y a d'un côté les irréductibles qui ne veulent pas céder d'un pouce, on trouve de l'autre ceux qui veulent tout simplement travailler. A l'instar de cette employée qui travaille à la Boillat depuis plus de 20 ans: «Je suis fière de mon travail, et à la fin du mois, de mon salaire. Ceux qui veulent continuer la lutte ne comprennent pas qu'ils sont en train de fermer eux-mêmes la Boillat! Qu'ils nous laissent donc bosser! Ça ne veut pas dire que je soutiens la stratégie d'Hellweg, mais on n'a pas d'autre choix!»

Un avis partagé par un de ses collègues, pour qui «les gens des commissions ont des diplômes et peuvent retrouver du boulot ailleurs. Mais qu'en est-il de tous les autres? Je sais bien qu'avant la grève, on était 350, et qu'on parle maintenant d'une Boillat à 250 employés. Mais 250, c'est toujours mieux que rien du tout!»

S'il comprend que les personnes licenciées aient la rage au ventre, il dénonce les jusqu'au-boutistes qui sont prêts à tout détruire pour se venger. «Mais faut-il vraiment que ceux qui ont encore un boulot perdent aussi leur place et que la Boillat ferme pour qu'ils soient satisfaits?», s'interroge-t-il.


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Ressources liées

De fins tacticiens, ces Boillats !
Swissmetal Boillat | Jürg Müller revient sur son rapport
Actualisé le 19.11.06 par webmaster
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