CFF Cargo, une histoire suisse

Source et copyright :
Le Courrier
Jeudi 20 mars 2008
Auteur : Michel Schweri
Environ 4000 manifestants, dont près de 3000 venus du Tessin et un petit millier de Fribourg, ont déferlé sur Berne pour défendre l'existence de CFF Cargo. Ils ont surtout réclamé le maintien des places de travail: 625 emplois sont concernés par la réorganisation annoncée le 7 mars – dont 400 seraient tout simplement perdus – représentant la destruction d'environ 10% des effectifs de l'entreprise.
A travers cette lutte, c'est aussi le maintien d'une économie décentralisée que les forces mobilisées soutiennent. La restructuration menace en effet un pan du service public et environnemental. D'abord, les ateliers de maintenance de Bellinzone pourraient être tout bonnement privatisés. Ensuite, le transfert des marchandises de la route au rail sera handicapé par cette ruine des infrastructures ferroviaires.

Contrairement aux voeux de l'Initiative des Alpes, cette tendance a déjà été amorcée en 2007 avec la réduction d'un tiers des points de chargement sur le réseau ferré. Les réactions ne se sont pas fait attendre. Dès l'annonce des mesures visant à économiser 70 millions de francs, les ouvriers de l'atelier industriel de Bellinzone se sont mis en grève illimitée, ont occupé leur usine, manifesté en ville et symboliquement bloqué l'accès au Gothard. Ils ont constitué un «comité de grève» pour maintenir leur lutte «aussi longtemps qu'il le faudra».

Du côté de Fribourg, débrayage et manifestation ont répondu à cet élan. Mais l'émotion et la mobilisation sont bien plus larges. Une pétition de politiciens a été lancée, des élus participent au combat, des notables tessinois ont ouvert un compte bancaire de solidarité avec les grévistes, la Conférence des gouvernements de Suisse occidentale soutient les démarches du Conseil d'Etat fribourgeois en faveur des salariés. Jusqu'aux pontes de la Lega, qui se sont mis à disposition du mouvement pour bloquer des lignes ferroviaires, trouvant là une occasion d'exprimer leur antifédéralisme teinté de populisme.

On assiste ainsi à une union sacrée de toutes les forces vives des régions périphériques, désormais menacées par la rationalisation de l'économie nationale. Une unité similaire a parfois réussi à limiter la casse du réseau postal dans les vallées latérales du Valais. En son temps, un même réflexe «régionaliste» avait dopé la mobilisation contre le redéploiement du groupe Swissmetal sacrifiant la Boillat à Reconvilier. Sans grand succès. Il en faudra ainsi davantage pour s'opposer sérieusement à la logique économique à l'oeuvre dans le monde entier. Les recettes du libéralisme appliquées «aux autres» ont en effet souvent été soutenues par les mêmes forces qui poussent des cris d'orfraie lorsque cette politique éreinte leurs intérêts locaux.

Contre cette dichotomie, il faut désormais promouvoir une politique économique cohérente: on ne peut plus accepter d'appliquer à d'autres les purges dont on a soi-même refusé de subir les conséquences. Parions malheureusement que les dirigeants ne sont pas encore mûrs pour comprendre cette leçon. La lutte de base restera encore le meilleur gage pour défendre les conditions de vie dans les régions périphériques et centrales. En Suisse comme ailleurs.


Article précédent | Article suivant | Sommaire des articles
Actualisé le 25.03.08 par webmaster
Haut de la page | Page précédente | 'Imprimer la page dans un format adapté à l'imprimante