Toute une époque qui s’achève

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Le Journal du Jura
Lundi 21 janvier 2008
Auteur : Philippe Oudot
Cette fois, c’est fini: les deux presses ont définitivement quitté Reconvilier. Découpée au chalumeau, la Klus est partie à la ferraille; la Loewy a été démontée et transportée provisoirement à Dornach.
Une page s’est irrévocablement tournée, la semaine dernière, dans la longue histoire de la Boillat. Quelques jours après la Klus, désossée au chalumeau comme de la vulgaire ferraille, la partie centrale de la presse Loewy – d’un poids de 80 tonnes – a discrètement quitté Reconvilier, mercredi, à bord d’un convoi spécial. Direction Dornach, en attendant son hypothétique transfert quelque part en Inde ou en Chine, dans le centre de production dont Swissmetal annonce l’implantation depuis des années, et qui, pour l’heure, est toujours virtuel. Contraste saisissant: cette même fin de semaine, Swissmetal inaugurait sa nouvelle presse, à Dornach justement (voir ci-dessous).

Ancien cadre de la Boillat aujourd’hui retraité, A.A. (nom connu de la rédaction) a eu un petit pincement au cœur en voyant ces deux vénérables machines disparaître à tout jamais. «Mais dans le fond, je ne suis pas vraiment étonné. Depuis la 1re grève, j’avais la conviction que Swissmetal, contrairement à ses promesses, voulait démanteler la Boillat. Eh bien aujourd’hui, nous y sommes! Le plus douloureux n’est pas la disparition de ces machines, mais bien les conséquences de ce démantèlement pour le personnel, et la destruction de tout un savoir-faire. Voir que des gens comme Hellweg, qui ne connaissent rien à la branche, puissent agir ainsi impunément est tout simplement révoltant.»

Même si elles n’étaient plus de première fraîcheur, ces deux presses à extrusion avaient été bichonnées et perfectionnées au fil des ans. D’où leur longévité: dotée d’une force de pression de 1500 tonnes, la Klus avait plus de 65 ans au compteur, et la Loewy, plus de 45. Initialement, cette dernière développait une pression de 1600 tonnes. Après transformations, elle avait été portée à 2100 tonnes au début des années 90. Comme le relève A.A., ces améliorations successives ont permis d’améliorer sa productivité, aussi bien en termes de qualité que de disponibilité: avant le début de la crise à la Boillat, le temps de disponibilité de la Loewy avoisinait 95%, contre 70% lors de l’installation de la machine, au début des années 60.

Qui plus est, elle avait fait l’objet d’un lifting en 20052006: nouveau câblage électrique, commandes électroniques, etc. Un investissement d’un million de francs. Mais suite au licenciement de quasi tous les opérateurs de cette presse, il a fallu plus d’un an jusqu’à ce qu’elle soit à nouveau opérationnelle. «Depuis cette dernière mise à niveau, la Loewy n’aura donc été productive que quelques mois, puisque les deux presses ont cessé leurs activités à l’automne 2007. Quel gaspillage…», soupire notre interlocuteur.

En jetant un regard rétrospectif sur l’histoire industrielle de la région, il constate que depuis les années 70, nombre de solides entreprises ont disparu: Bechler et Petermann, à Moutier, Wahli à Bévilard, Tavannes Watch et Tavannes Machines. D’autres ont subi de profondes restructurations, comme Tornos à Moutier, ou Schaublin à Bévilard. En effet, poursuit-il, «cela fait partie du cycle naturel de la vie des entreprises, qui disparaissent quand elles ne répondent plus au besoin du marché. Mais ce n’est pas le cas de la Boillat, qui offrait des produits uniques au monde! En l’occurrence, on peut parler d’un véritable assassinat industriel…»

Bye-bye, les Allemands…

En juin 2007, Swissmetal annonçait la mise en place d’une task force composée de cadres allemands venus de Lüdenscheid pour relancer la production à la Boillat, soi-disant de 40% inférieure à celle de Busch-Jaeger. Ces cadres ont progressivement quitté Reconvilier ces dernières semaines. Et il y a quelques jours, Swissmetal a annoncé au personnel que le nouveau responsable du site était Natanael Dewobroto

Titulaire d’un doctorat en métallurgie, cet ingénieur en sciences des matériaux travaille chez Swissmetal depuis 2005.



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