«Dans le Jura bernois, on est des gens de seconde catégorie»

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Le Temps
Mardi 9 octobre 2007
Auteur : Serge Jubin
A Reconvilier, à l'apéro de 11 heures, au Midi, les anciens qui ont occupé des fonctions communales n'ont pas la langue dans leur poche.
ls ont l'expérience. De la vie et de la politique locale. Une tablée d'anciens, qui se retrouvent régulièrement pour l'apéro de 11 heures, en pleine semaine, au café du Midi à Reconvilier. Alors, «en toute modestie», dit Daniel Schaer, ils s'autorisent à parler politique, «dans l'intérêt du village».

Au Midi, on est de droite. UDC ou radical. Parler de politique fédérale ramène à Christoph Blocher. «Il n'a pas sa place au Conseil fédéral, tonne Evelyne Kurth, 79 ans, radicale, première femme élue à l'exécutif local au début des années 1970. Il n'a pas de collégialité, veut faire de la Suisse un îlot de gens repliés sur eux-mêmes.» S'efforçant de se contenir, l'ancien maire UDC Daniel Schaer rétorque: «Christoph Blocher ose dénoncer ce qui n'est pas correct.»

Une attente: l'autoroute

La discussion glisse vers les étrangers, la délinquance, la violence. «C'est la racaille qui a manifesté lorsque Blocher est venu ici», affirme François Nusbaumer, entre deux volutes de cigarette, un ex-socialiste converti à l'UDC. «Là, je soutiens Blocher, reprend Evelyne Kurth. Je m'énerve en voyant se promener, le téléphone à l'oreille, les demandeurs d'asile du centre d'accueil près de chez moi.» Agent de police local, radical, Bernard Fueg écoute, nuance. «Christoph Blocher est nécessaire au gouvernement, il fait bouger. Quand il vient chez nous, nous lui devons les honneurs liés à son rang de conseiller fédéral.» Pas question pourtant d'entrer dans le jeu des étrangers à renvoyer. «Reconvilier a réussi, avec son centre de demandeurs d'asile. Nous menons une stratégie d'intégration dans le tissu local. On n'est pas dans la situation de Bex.»

Qu'attend-on de la Confédération, à Reconvilier? «L'autoroute, clame Daniel Schaer. Le développement d'une région passe par la route, pas par le social.» «A part les routes, pas grand-chose», susurre Evelyne Kurth. «Il y aurait tant à débattre, soupire Bernard Fueg. De la jeunesse, de la formation, des langues à enseigner, des retraites.» Sans entrer dans le détail. «Berne, c'est à des années-lumière d'ici. Nous sommes des gens de seconde catégorie.» La remarque de Daniel Schaer est saluée par des hochements de tête.

Demi-conseiller national

On évoque les candidats régionaux. Avec un jugement sans appel envers le conseiller national sortant UDC Walter Schmied. «Un demi-conseiller», ironise Evelyne Kurth. «C'était depuis seize ans notre représentant, gronde Daniel Schaer. Sur le papier. Dites-moi ce qu'il a fait pour la région.»

On croirait entendre le socialiste autonomiste Maxime Zuber, «un homme intelligent, mais qui est dans le mauvais parti», estime Evelyne Kurth. «Il n'a pas toujours tort», renchérit Daniel Schaer. Bernard Fueg salue son engagement dans le conflit de «la Boillat».

Au Midi à Reconvilier, on a deux ennemis. Les socialistes et les séparatistes. Mais plus encore, depuis qu'ils se sont alignés derrière Maxime Zuber, les socialistes antiséparatistes. «Des girouettes», fustige Daniel Schaer. «La politique est faite de paradoxes», reprend Bernard Fueg après réflexion. Lui, radical, soutient en priorité Mario Annoni. Mais est tenté de voter aussi pour Maxime Zuber, l'ennemi de la Question jurassienne qui s'est impliqué dans la même cause que lui, celle des ouvriers de «la Boillat».

Evelyne Kurth se prend à rêver de trois élus du Jura bernois - «on en a bien eu quatre, il y a vingt ans». Trois hommes. Pas de femme? «Je n'en vois pas. De valable en tout cas», dit-elle sèchement.


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