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Dans l'usine de «la Boillat», peu de place pour la politique
Vendredi, 18 heures. La demi-heure de pause des ouvriers de la fonderie qui travaillent de 13h30 à 22 heures. Un rayon de lumière dans le fond. Trois hommes. L'un mange un sandwich, un autre un yoghourt, le troisième allume une clope. En temps normal, ils prennent l'air, mais il fait sombre et humide dehors. Qu'inspirent les élections fédérales à ces ouvriers qui avaient fait appel à Joseph Deiss pour régler le conflit avec leur direction en 2006? «Ce pays devient xénophobe, et personne ne bronche», dit sèchement un ouvrier, qui préfère qu'on ne donne pas son nom, craignant les ennuis avec sa direction s'il parle avec des journalistes, même si le sujet n'a rien à voir avec son entreprise. Il ne refuse pas la photo. Et d'enchaîner, pas mécontent de pouvoir s'exprimer: «C'est fou. On s'insurge contre les provocations de l'UDC, mais on passe sous silence le fait que Christoph Blocher est à Justice et police depuis quatre ans. Pourquoi ne brosse-t-on pas son bilan?» «La politique et les entreprises, c'est zéro. Trois fois zéro. Voyez ici le résultat», coupe un collègue, italien, «engagé dans cette boîte depuis 41 ans». Faudrait-il que les politiques, de la région et fédéraux, interfèrent dans les conflits d'entreprises ou dans la stratégie industrielle? «Non», reprend le premier, qui dit faire partie du petit quart d'Helvètes de l'effectif restant de «la Boillat». «Ce n'est pas aux politiques de dire comment mener une entreprise. Le problème, c'est que l'industrie est dirigée par des financiers, qui n'ont pas de vision à long terme. Ils veulent faire de l'argent tout de suite.» La méfiance et la résignation transpirent des blouses bleues et grises des employés de la fonderie emblématique de Reconvilier qui, avec leurs cadres, avaient subitement arrêté leurs machines, un matin de novembre 2004, pour protester contre les options de leur patron. Puis avaient poursuivi la grève quinze mois plus tard. Le travail a péniblement repris au printemps 2006, mais les soucis demeurent: Swissmetal annonçait la semaine dernière la suppression de 146 postes à Reconvilier et Dornach. Le Jura bernois perdra encore une septantaine des 200 emplois qui avaient survécu aux grèves. Alors, la politique, les élections fédérales... «C'est la bourse et le fric qui commandent, les politiques n'y peuvent rien», reprend l'employé italien, tournant autour de son collègue portugais taciturne, qui hoche la tête. «L'industrie, ça n'intéresse pas les politiciens. Ni les médias qui préfèrent le spectacle de l'UDC», renchérit l'ouvrier suisse, regrettant que des journalistes aient traité les grévistes d'«enfants gâtés. Sans savoir». La discussion saute du coq à l'âne. Elle ramène invariablement aux maux de l'entreprise. «Qui n'intéressent plus personne. Qui a réagi aux annonces de licenciements?» Peut-être les politiciens régionaux? Silence. Rictus de dépit. «Ceux qui ont fait quelque chose venaient du canton ennemi, Maxime Zuber et le Jurassien Pierre Kohler. Walter Schmied? L'UDC bernoise était contre nous.» «On est dans la jungle», tonne l'employé italien. Qui trouve que la haute conjoncture ne lui profite guère: «Les carnets de commandes des entreprises sont pleins, pas nos frigos.» Son pouvoir d'achat n'a pas augmenté. «Sans compter l'insécurité de l'emploi, pour nous...» Article précédent | Article suivant | Sommaire des articles Portraits :
Actualisé le 02.10.07 par webmaster
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