Le drame humain de la Boillat, vécu la caméra à l'épaule

Source et copyright :
Le Journal du Jura
Lundi 23 avril 2007
Auteur : Philippe Chopard
«La Boillat vivra», documentaire de 83 minutes tourné par Daniel Künzi, sera projeté dans le Jura bernois dès le 1er mai. Tourné pendant la grève de l'an dernier à Reconvilier, ce film met en scène le drame vécu par des ouvriers contraints de tout risquer pour se faire entendre.
«Lorsque j'ai su que la Boillat se remettait en grève, j'ai sauté dans ma voiture et suis revenu à Reconvilier», raconte Daniel Künzi, l'auteur du documentaire témoignage «La Boillat vivra». Une démarche spontanée qui l'a fait débarquer dans un village, une région et une entreprise à fleur de peau. Un contexte de colère, de tourbillon médiatique et de tension que le documentariste a eu quelque de peine à approcher et à apprivoiser.
Au début, il a fallu entrer dans l'usine en grève. «Unia a commencé par mettre son veto à mon travail, à ma grande surprise», raconte Daniel Künzi. «Il a fallu que je passe de longues heures avec les grévistes et leur entourage pour faire quelque peu retomber la tension». Finalement, l'auteur a compris que les différents médias télévisés dépêchés à Reconvilier bénéficiaient d'une autorisation de tournage donnée par le groupe Swissmetal lui-même. «J'en ai été sidéré», avoue-t-il.

L'auteur a finalement pu tourner, moyennant quelques subterfuges. Il a notamment prêté un moment sa caméra à un gréviste et fait appel à une camerawoman pour porter un regard féminin sur le conflit. Après quelques jours, Daniel Künzi a pu évoluer dans les locaux occupés, parler avec les représentants d'Unia et recueillir des témoignages qu'il a ensuite montés avec les images tournées par les télévisions présentes sur place.

«La dizaine de personnes qui témoignent dans mon film sont impressionnantes de dignité et de courage», indique encore Daniel Künzi. «Le conflit de La Boillat a montré une solidarité régionale tout à fait exemplaire. Les équipes d'ouvriers de l'entreprise, qui travaillent selon le système, socialement abominable, du trois-huit, ne se connaissaient que peu avant cette crise. Tout cela s'est corrigé à force d'occuper les locaux jour et nuit.» Une cohésion notamment montréedans le film avec les images d'un concert donné dans les ateliers occupés.

Drame social, drame humain. Les séquences de Daniel Künzi l'attestent. «Il m'importait de mettre en scène les grévistes, leur entourage familial, leur région», raconte encore le documentariste. Et les ouvriers parlent généralement avec humilité de leurs conditions de grévistes. Ils s'échauffent aussi contre le syndicat. «Nous avons le couteau sur la gorge», témoigne l'un d'eux avant la décision de reprendre le travail.
Daniel Künzi n'a jamais pu parler directement avec la direction de Swissmetal, malgré des demandes répétées.

Il a pu filmer par contre l'assemblée des actionnaires. «Les grévistes ont eu affaire à un quarteron de financiers sans aucun état d'âme», observe-t-il. «C'est terrible. Cela d'autant plus que les grévistes ont joué les Don Quichotte. Au début du conflit, ils avaient la certitude de la victoire. Ils ont fini par perdre..»

Etant retourné à Reconvilier plusieurs fois après la grève, Daniel Künzi estime que l'avenir de l'entreprise est scellé. «Les actions des politiques en faveur de la Boillat n'ont finalement été que du théâtre», lance-t-il. Cette grève n'a finalement rien donné de positif pour ceux qui ont pris l'énorme risque de la vivre». Un constat d'échec? La vigilance perdure à Reconvilier et dans la région.


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