Les «Boillat» ont perdu le combat. Unia aussi

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Le Courrier
Mercredi 28 février 2007
Auteur : Isabelle Stücki
Invités par la coopérative Espace Noir à tirer des conclusions sur la grève, ouvriers et syndicalistes ont ouvert des pistes pour les combats à venir.
«Vous nous avez lâchés, nous, les petits, les ouvriers.» Adressé au syndicat Unia par des grévistes licenciés, le reproche a mis en exergue une part de la souffrance qui s'est installée sur le site de l'usine Boillat, à Reconvilier. Regroupant une centaine de personnes, le débat public organisé lundi à l'Espace Noir de Saint-Imier a permis aux ouvriers de s'expliquer avec les syndicalistes. Mais aussi de renouer le dialogue en se partageant la responsabilité de la défaite.

Porte-parole des ouvriers durant la grève, Nicolas Wuillemin a dressé un bilan négatif: «Nos objectifs n'ont pas été atteints, l'entreprise continue d'être détruite par la direction et le nom de la Boillat pourrait bientôt être rayé de la carte. Et c'est sans parler de ceux qui sont déjà sur le carreau.» Selon M. Wuillemin, le «dossier-béton» qui a encouragé les travailleurs à se lancer dans la grève aurait dû conduire à une issue victorieuse. Cela n'a pas été le cas, parce qu'un élément nouveau est apparu: «Pas la moindre négociation n'a été possible avec la direction, tandis que les ouvriers étaient déterminés à aller jusqu'au bout de l'épreuve de force.»


Sauver les emplois

Du coup. Le syndicat s'est à son tour retrouvé dans une situation inédite. Coprésident d'Unia, Renzo Ambrosetti a avoué l'impossibilité de discuter avec «cette nouvelle espèce de patronat dont la logique est exclusivement financière: plus il y avait de difficultés, plus les actions montaient!» Unia a malgré tout tenté de préserver la «paix du travail». «Nous avons voulu nous mettre à table pour sauver des emplois.»

Aux yeux de M. Wuillemin, «il aurait été nécessaire de risquer de s'essayer à une politique de rupture». Et, avec l'appui des partis de gauche et d'Unia, d'obtenir ainsi une nouvelle majorité, dans une Suisse de droite. Pour cela, il aurait fallu faire front commun. Cette logique, qui devrait être celle de l'avenir, n'a pas été suivie.

Tenu de respecter des règles avec les associations patronales, le syndicat n'a pas voulu soutenir le «jusqu'au-boutisme» des ouvriers, prêts à sacrifier l'usine. Nicolas Wuillemin estime que la classe ouvrière doit pouvoir maintenant retrouver sa dignité. Et qu'il est donc impératif de «se demander de quel syndicat nous avons besoin aujourd'hui».

Dans le public, «l'ex-Boillat» David demande si Unia est vraiment prêt à se remettre en cause à la lumière des récents événements. Tandis que Gilles questionne: «S'il arrivait la même chose demain à l'usine Tornos de Moutier, Unia est-il prêt?» Un horloger lance: «La mondialisation économique, cela ne vous dit rien? On dirait que vous découvrez le capitalisme...» «Que les capitalistes n'aient aucun intérêt à trouver une solution et qu'ils soient disposés à détruire une usine, c'est effectivement neuf pour nous», se défend M.Ambrosetti.


«On est sous pression!»

«Courage! Avouez qu'Unia a perdu la bataille tout autant que nous! Vous avez réfléchi et agi dans des schémas uniquement suisses», lance l'assemblée fâchée. Qui reprend, amère: «Cela ne nous fait pas plaisir de voir notre syndicat dans cet état. Et en plus, si loin de nous qui avons perdu notre travail. Tendez-nous la main!»

Sans pour autant accepter d'endosser la veste de bureaucrate légaliste que certains tentent de lui faire porter, Renzo Ambrosetti laisse entendre qu'Unia a fait de son mieux, mais que le syndicat «n'a pas eu tout juste». C'est alors un grand soulagement dans l'assemblée. Qui se demande dès lors s'il aurait vraiment fallu reprendre le travail. Et évoque le déficit de communication entre ouvriers et syndicat. Tout en décrivant la situation actuelle: «C'est le bordel! On est sous pression. Que faire?»

Le coprésident rappelle que le grand syndicat interprofessionnel Unia n'en est qu'à sa deuxième année d'existence. «Nous sommes au début de la sortie d'un corporatisme de branche qui nuit à la solidarité ouvrière.»

Nicolas Wuillemin aura les mots de la fin. «En premier lieu, il faut trouver des moyens de se défendre: en 6 ans, 280000 places de travail ont disparu dans notre branche.» La suite du programme? Que des commissions fortes d'ouvriers combatifs et bien renseignés sur ce qui se passe dans les usines mènent la lutte avec les syndicats. Les ouvriers et Unia ont perdu le combat «C'est tous ensemble, dans une unité de lutte que nous pouvons créer le rapport de force nécessaire à gagner des causes aussi justes que celle de La Boillat.»


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