Swissmetal | La direction condamne définitivement le restaurant d'entreprise de la Boillat

La Lingotière va fermer ses portes après 53 ans de bons et loyaux services

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Le Journal du Jura
Mardi 28 novembre 2006
Auteur : Philippe Oudot
Le 19 décembre, Isabelle Faigaux servira ses derniers repas à La Lingotière. Swissmetal, qui a dénoncé le contrat avec la société DSR, s'est mis accord avec le restaurant du Midi pour proposer des repas au personnel.
C'est une nouvelle page sombre de l'histoire de la Boillat qui se tourne: le restaurant d'entreprise La Lingotière va en effet définitivement fermer ses portes après le 19 décembre. Pour son actuelle gérante Isabelle Faigaux, qui s'engage sans compter depuis plus de sept ans pour régaler ses hôtes, c'est un véritable crève-cœur. Mais pas vraiment une surprise. En effet, rappelle-t-elle, voilà bientôt deux ans que La Lingotière est dans le collimateur de Swissmetal.

En février 2005, le consultant Patrick Huber-Flotho - un proche de Martin Hellweg - avait été chargé d'étudier la participation financière de Swissmetal aux coûts de la cantine. Soit un peu moins de 100 000 fr. par année. Il avait fallu l'intervention déterminée d'Albert Gaide, alors directeur de la Boillat par intérim, pour éviter la fermeture du restaurant d'entreprise, exploité par la société de restauration DSR.

Mais en janvier dernier, Swissmetal revenait à la charge en dénonçant le contrat passé avec DSR. La Lingotière aurait dû fermer ses portes en août, mais avec le soutien de plusieurs personnes du Jura bernois, le conseiller en communication Denis Seydoux s'était approché de la direction de Swissmetal pour tenter de trouver une solution permettant d'éviter la fermeture. L'idée était de créer une sorte de club à l'attention d'entreprises qui, moyennant une participation financière, auraient pu obtenir des prestations à La Lingotière sous forme de repas pour leur personnel, pour des banquets ou autre.

On boucle...

Mais comme Sam Furrer, responsable du développement et de la communication chez Swissmetal, nous n'avons trouvé aucune solution pour augmenter le nombre de repas et donc diminuer les frais, raison pour laquelle nous avons dû trouver une autre solution». Plus question en effet pour l'entreprise de continuer à subventionner le déficit du restaurant d'entreprise, précise-t-il. Swissmetal a donc cherché un arrangement avec un restaurateur de la place.

La solution a été présentée dans une lettre datée du vendredi 24 novembre et adressée au personnel. Le «comité de gestion» de Swissmetal y précise qu'aucun repreneur ne s'étant annoncé suite au non-renouvellement du contrat avec le restaurateur DSR, «nous vous confirmons que le dernier jour d'exploitation est fixé au 19 décembre 2006».

Une solution au Midi


En lieu et place de La Lingotière, Swissmetal explique avoir passé un contrat avec Philippe Röthlisberger, patron du restaurant du Midi, à Reconvilier. Sur le prix du repas de 12 fr., Swissmetal prendra à sa charge 2 fr., si bien que les employés bénéficieront de deux menus complets à choix, avec entrée ou potage et dessert, au prix de 10 fr. (sans boisson). Les employés de la Boillat ont jusqu'au 19 décembre pour faire connaître leur intérêt. Ceux-ci recevront alors un badge d'identification qui leur permettra d'acheter des bons de repas chez le restaurateur, précise Sam Furrer. Dans un premier temps, Philippe Röthlisberger espère avoir entre 15 et 25 clients de la Boillat, nombre qui pourrait ensuite augmenter, «mais ce sera à moi de faire mes preuves», glisse-t-il.

La lettre du comité de gestion précise encore qu'avec ce changement, «Swissmetal peut économiser une somme significative. En même temps, nous sommes convaincus que votre repas de midi sera de très bonne qualité». Quant au bâtiment de La Lingotière, qui est propriété de la Fondation en faveur du personnel de la Boillat, «il restera vide dans une premier temps, mais nous sommes ouverts à toute proposition d'utilisation», souligne Sam Furrer.

«Swissmetal fait un mauvais calcul»

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Isabelle Faigaux

Comme le relève Isabelle Faigaux, la fermeture de La Lingotière est une erreur, car le restaurant d'entreprise rendait de nombreux services, et pas seulement au personnel. «Ça arrangeait aussi la direction d'avoir cette cantine: combien de fois nous a-t-elle demandé d'organiser au pied levé un apéro ou un buffet pour 30 personnes? Et nous avons toujours répondu présent. Comme vendredi dernier, lorsque la direction avait convié ses clients pour la journée portes ouvertes. Il paraît même qu'il y avait M. Hellweg, mais on ne l'a pas vu ici...»

Et quand Swissmetal prétend que La Lingotière est un gouffre parce qu'il n'y a pas assez de repas servis, Isabelle Faigaux répond que c'est faux. Aujourd'hui, le restaurant d'entreprise ne tourne en effet plus qu'avec deux personnes. Et s'il ne prépare plus qu'une septantaine de repas quotidiens, c'est bien en raison de la politique de démantèlement Swissmetal. «Avant la grève, nous faisions 120 repas par jour. Ensuite, il y a eu tous ces licenciements qui nous ont fait perdre beaucoup de clients. Notamment les cadres, dont une bonne partie venaient de l'extérieur et qui étaient très heureux de pouvoir manger chez nous.»

En fait, souligne notre interlocutrice, «en plus des économies souhaitées, je crois surtout que Martin Hellweg a voulu supprimer un symbole, car La Lingotière est un endroit chaleureux, où le personnel aime bien se retrouver. D'ailleurs, mis à part la préparation des repas, je parle beaucoup avec les gens, qui sont nombreux à rencontrer des problèmes depuis la grève et qui se confient volontiers à moi. J'essaie de les réconforter. S'ils ont un document administratif à remplir, ils aiment mieux me demander un coup de main plutôt que de passer au bureau. Je crois que Hellweg considère La Lingotière comme un petit foyer de résistance et il ne le supporte pas.» D'ailleurs, ajoute-t-elle, un des cadres venus de Dornach a voulu plaider en faveur de la cantine, mais il s'est fait taper sur les doigts...

Si elle regrette bien évidemment la fin de La Lingotière - une aventure qui a duré 53 ans -, Isabelle Faigaux a néanmoins retrouvé un job. Elle sera chargée de gérer les cafétérias de l'Hôpital du Jura bernois sur les sites de Moutier et de Saint-Imier. «J'ai eu de la chance, car je n'ai envoyé qu'une seule lettre de postulation spontanée!», jubile-t-elle. Quant au cuisinier qui travaillait avec elle, il a déjà quitté La Lingotière et trouvé un emploi à Bienne.

Directeur général de DSR, Andrew Gordon se réjouit que ses deux collaborateurs aient retrouvé un emploi. Il constate cependant qu'en voulant faire des économies de bouts de chandelles, Swissmetal fait sans doute un mauvais calcul. «Certaines entreprises nous considèrent comme un mal nécessaire plutôt que comme un service à leur personnel. Mais elles ne se rendent pas compte que les économies réalisées se paient à un autre niveau: les gens passent plus de temps en pause, ils consomment plus facilement de l'alcool à midi, ce qui se traduit par une baisse de rendement et un risque accru d'accident. Bref, c'est une économie à court terme, mais qui n'en est effectivement pas une.»

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Apéritif à la Lingotière
Actualisé le 19.12.06 par webmaster
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