Swissmetal Boillat | Le point de la situation avec les clients

Les voyants restent au rouge

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Le Journal du Jura
Date : mercredi 30 août 2006
Auteur : Philippe Oudot
Le travail a repris depuis trois semaines à la Boillat, mais les clients ont toujours beaucoup de peine à recevoir leurs commandes. Beaucoup se tournent vers d'autres sources d'approvisionnement.
A la Boillat, la grève n'est plus qu'un lointain souvenir. Le travail a en effet repris depuis près de six mois, mais la situation reste pour le moins chaotique. Le four Wertli n'a par exemple jamais été remis en route. Quant à la presse Loewy, en révision au moment de la grève, elle n'a pas pressé la moindre billette, en dépit des essais effectués pour la remettre en marche. Pas facile, quand on sait que les opérateurs spécialisés ont été licenciés par Swissmetal. Il semble toutefois qu'une première billette ait pu être pressée cette semaine.

Après une pause estivale de trois semaines, le travail a repris à la Boillat depuis trois semaines. Mais l'atmosphère y reste pesante. «On bosse dans les ateliers, mais le cœur n'y est pas, car personne ne sait de quoi l'avenir sera fait», note un employé.

Quant aux clients, ils ont toujours toutes les peines du monde à recevoir la marchandise commandée. Comme le souligne Sandrine Javet, secrétaire générale adjointe de l'Association des fabricants de décolletages et de taillages (AFDT), «la situation n'a guère changé. Nos membres se débrouillent comme ils peuvent en cherchant à diversifier leurs sources d'approvisionnement.»

Au compte-gouttes

Des propos que confirme A. B.*, patron d'une entreprise de décolletage de l'Arc jurassien, client de la Boillat, qui tient à rester anonyme pour ne pas être pénalisé. «Les livraisons continuent à se faire au compte-gouttes, et on ne sait jamais à quel moment elles seront effectuées», déplore-t-il. Et si, pour l'heure, il n'a pas encore connu de gros problèmes de qualité, cela tient sans doute au fait que la matière qu'il a reçue a été coulée avant le début de la grève et qu'elle n'a subi que les travaux de finition depuis la reprise.

Il ne cache pas son inquiétude quant à la qualité des commandes passées récemment. En effet, même si Swissmetal a partiellement remis en marche la fonderie à Reconvilier, une bonne partie des spécialistes de haut vol qui y travaillaient ont été licenciés ou sont partis.

Sans garantie

«Comment voulez-vous que Swissmetal puisse honorer ses commandes quand l'entreprise vend de la matière en stock pour faire face à des problèmes de liquidités?» constate un autre client. D'ailleurs, poursuit-il, Swissmetal leur a écrit que si elle allait s'efforcer de respecter les délais pour les nouvelles commandes, elle ne garantissait rien pour les plus anciennes... «Voilà qui donne une bonne idée de la gabegie qui continue», glisse-t-il.

Dans ces conditions, et comme bon nombre d'autres clients, A. B*. a diversifié ses sources d'approvisionnement en se tournant vers d'autres fournisseurs, lorsque c'était possible. Mais ce n'est pas toujours le cas, car pour diverses spécialités et pour les produits de très petit diamètre, il n'y a tout simplement pas d'alternative. D'autant qu'avec la Boillat, le client pouvait obtenir de la matière en petite quantité, alors que les gros fournisseurs ne font pas dans l'épicerie.

Directeur d'une entreprise de décolletage qui travaille beaucoup pour l'horlogerie, X. Y.* relève pour sa part qu'il ne commande plus que les produits de tout petit diamètre à la Boillat. Pour éviter les incertitudes liées aux délais de livraison, il a en effet choisi de commander sa matière standard ailleurs, en Allemagne, «mais pas chez Busch-Jaeger». Un choix qui ne va pas sans poser quelques problèmes, car la qualité des alliages n'est pas aussi bonne que ce que faisait la Boillat. «Cela nous oblige à adapter notre production en modifiant des réglages en cours d'usinage. Nous pouvons le faire grâce à nos moyens de production très modernes. Mais cela renchérit forcément le produit», souligne-t-il.

«On ne les intéresse pas»

Si, contrairement à d'autres clients, il n'est pas pris à la gorge, notre homme déplore l'énorme gâchis entraîné par les décisions stratégiques de Swissmetal. En dépit des tentatives de dialogue menées sous l'égide de l'AFDT, la direction du groupe n'a manifesté aucune volonté d'aller à la rencontre de ses clients. «A croire qu'on ne les intéresse pas.» En conséquence, ceux-ci sont bien obligés de chercher des alternatives. Et si le laiton est idéal pour fabriquer certaines pièces d'horlogerie, celles-ci peuvent aussi se faire en acier. Les coûts de production sont certes plus élevés, «mais la bonne santé actuelle de l'économie permet ce genre de sacrifice», constate-t-il.

Un autre patron d'une grande entreprise de décolletage de la région dit aussi s'être progressivement détaché de la Boillat «par nécessité». Il a en effet trouvé d'autres fournisseurs, même si la qualité de leurs produits n'équivaut pas à ce qu'offrait la Boillat, surtout en terme d'homogénéité de la matière et de régularité des lots. Et de déplorer la destruction de tout un savoir-faire et de cette culture d'entreprise au service du client qui faisait la force de la Boillat. «Aujourd'hui, il faut apprendre à jongler entre les différents fournisseurs et s'adapter à la qualité moins régulière de leurs produits», regrette-t-il.

Il cite par ailleurs une anecdote révélatrice: en février dernier, un de ses clients alémaniques fustigeait le personnel de la Boillat qui avait osé se mettre en grève. Aujourd'hui, en voyant la baisse de la qualité, celui-ci a revu son jugement et admet que «c'était sans doute la seule façon dont disposaient les employés pour tenter de s'opposer aux décisions aberrantes du management et de sauver le savoir-faire de leur entreprise...».

* Noms connus de la rédaction

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