Figure emblématique du mouvement, Nicolas Wuillemin revient sur le conflit de la Boillat

«Si c'était à refaire, j'agirais de la même façon, sans hésiter»

Source : Le Quotidien jurassien
Date : mardi 22 août 2006
Auteur : Dominique Bernardin
Copyright : Quotidien jurassien
Figure emblématique du mouvement, Nicolas Wuillemin revient sur le conflit de la Boillat.
Nicolas Wuillemin restera dans les annales comme le leader charismatique du conflit qui a opposé la Boillat et Swissmetal. Aujourd'hui au chômage et à la recherche d'un travail, l'ancien président de la représentation des employés (une des deux commissions d'entreprise) a accepté de livrer ses impressions sur la grève qui a paralysé l'usine de Reconvilier: sentiment d'impuissance et goût d'inachevé.

La fibre syndicaliste, Nicolas Wuillemin l'a héritée de son père, à l'époque employé des Rondez à Delémont. «Je suis devenu militant dès mon apprentissage de dessinateur. Dès mon arrivée dans la Vallée de Tavannes, en 1972, j'ai été à la fois président de la section FTMH et de l'Union syndicale du Jura bernois». Rien d'étonnant donc à ce qu'il ait pris la tête durant huit ans d'une commission à la Boillat.

Licencié avec effet immédiat, parce qu'il incitait à la grève

La grève avait repris depuis deux jours à la Boillat, le 27 janvier 2006, quand il a été licencié avec effet immédiat. «On m'a reproché d'inciter les gens à faire la grève et à ne pas respecter la Convention collective de travail. En réalité, il s'agissait d'une mesure de représailles contre mon activité syndicale. Quatre jours avant, on m'avait averti que mon poste était supprimé et que je devais travailler en atelier, ce que j'avais refusé».

Bien que licencié, il est resté actif dans la lutte, menant les assemblées du personnel et participant aux travaux de la médiation. Jusqu'à ce que le syndicat UNIA lui fasse comprendre qu'il était devenu persona non grata, «n'étant plus représentatif du personnel de la Boillat».

Syndicat trop enfermé dans sa politique de compromis

Après les événements de Reconvilier, notre interlocuteur n'éprouve ni tristesse ni colère. «Je ressens plutôt un profond sentiment d'impuissance et un goût d'inachevé. Je m'attendais un peu à ce qui est arrivé. Mais j'espérais que le syndicat ferait évoluer les choses autrement».

Ce qu'il reproche à UNIA, c'est de ne pas avoir été capable de sortir des schémas habituels. «Les syndicats en Suisse ne sont absolument pas adaptés à un conflit aussi dur que celui de Reconvilier. Ils sont trop enfermés dans leur politique de compromis et de partenariat avec le monde patronal. De ce fait, ils ne pouvaient, ou ne voulaient, rien faire».

«Nous avons été mis devant le fait accompli par UNIA»

Nicolas Wuillemin refuse toutefois d'utiliser le terme de trahison, qu'il juge trop fort, à propos de l'attitude du syndicat. «UNIA n'a jamais vraiment voulu nous trahir. Il est seulement resté ancré dans sa culture de négociation». Ce qui explique que la Boillat ait été mise devant le fait accompli: «On nous a dit: c'est la reprise du travail et l'entrée en médiation, ou on vous laisse tomber».

Cette médiation devait être synonyme de suspension des licenciements. Or, Swissmetal n'en a pas tenu compte. L'ancien employé de la Boillat reconnaît que les commissions ont manqué de fermeté à ce moment-là. «C'est peut-être la seule erreur que nous ayons commise. Nous aurions dû claquer la porte. Mais nous avons jugé que l'intransigeance n'apporterait rien, alors nous sommes restés».

Le conflit de Reconvilier n'a pas été inutile

Même s'il reconnaît que la lutte contre Swissmetal n'a pas apporté les résultats escomptés, Nicolas Wuillemin réfute les dires de ceux qui prétendent que le conflit n'a servi à rien. «Notre mouvement a fait naître un élan de solidarité extraordinaire qui laissera des traces. On ne peut pas nous reprocher d'avoir voulu combattre les visées de Swissmetal. Même si nous n'avons pas obtenu ce que nous voulions, nous avons lancé un avertissement».

Car ce que les grévistes ont toujours dit est en train de se réaliser. Swissmetal poursuit sa politique de démantèlement progressif de la Boillat. Et Nicolas Wuillemin de poursuivre: «Je préfère que nous nous soyons battus plutôt que de me reprocher de ne rien avoir entrepris».

«La Boillat va disparaître, à très court terme»

Quant à l'avenir de l'usine de Reconvilier, il est aussi sombre qu'il y a deux ans. «La Boillat est appelée à disparaître, parce que les conditions susceptibles de la rentabiliser n'existent plus et que son bon fonctionnement est impossible avec l'encadrement actuel. En plus, toutes les forces vives ont été éliminées, ou alors elles quittent l'entreprise».

Pour Nicolas Wuillemin, Swissmetal ira jusqu'au bout de son raisonnement, du transfert vers l'Allemagne des activités de la Boillat. Sinon comment expliquer que l'on engage un chef d'usine avec un contrat de trois mois seulement. Quant à une renaissance de l'usine de Reconvilier en dehors du groupe, elle est devenue presque utopique: «Le mal qui a été fait est très profond. Une partie du personnel a été licenciée ou est partie d'elle-même. Les clients abandonnent le navire. Remettre la Boillat sur les rails prendrait énormément de temps».

Malgré tout, Nicolas Wuillemin n'éprouve pas de regrets. «Nous avons fait la grève parce que c'était la dernière solution pour essayer de sauver notre outil de travail et notre savoir-faire. Toute personne sensée aurait agi de la même façon. Et si c'était à refaire, je recommencerais immédiatement, sans aucune hésitation».


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