La Boillat : terre brûlée

Source : Le Courrier
Date : mercredi 28 juin 2006
Auteur : Luc-Olivier Erard
Copyright : Le Courrier
Le groupe Swissmetal a décidé tout seul de quitter la médiation conduite par Rolf Bloch pour régler le conflit qui sévit depuis fin janvier à l'usine Boillat de Reconvilier. Qui s'en étonnera vraiment? Car le moins que l'on puisse dire, c'est que depuis le début du processus engagé à l'initiative de Joseph Deiss, le conseil d'administration de Swissmetal n'a jamais démontré de manière crédible qu'il entendait négocier quoi que ce soit.
Ni les élus de la région, ni les clients du groupe, ni les milliers de personnes dans la rue, ni les appels à la raison des syndicats ni ceux du patronat n'ont réussi à infléchir d'un pouce les desseins du groupe industriel bernois. Normal, diront certains, les affaires sont les affaires.
Cependant, la recherche du profit par la pression sur les salaires et une productivité accrue de la part des employés semble avoir fait long feu. La rentabilité exigée par les détenteurs du capital des industries modernes exige d'autres manoeuvres, beaucoup moins avouables: rachat d'entreprises, fermetures de sites, transfert de technologies par dessus les frontières.
Une politique de la terre brûlée que «les Boillat» ont bien compris. On les a décrits bornés, pétris d'indépendance et rétifs au changement. Ils ont montré au contraire qu'ils savaient analyser l'évolution de leur industrie, proposer des solutions à des problèmes nouveaux, utiliser les moyens de mobilisation et de communication modernes pour faire connaître leur situation.

Las, leur principal soutien, le syndicat Unia, ne s'est pas donné les moyens de le comprendre ou au moins d'agir en conséquence. Faute de mieux, il mise sur la sauvegarde d'une partie des emplois, «coûte que coûte», avec un langage qui apparaît, dans ce contexte, un peu vieillot: celui de la paix du travail.
Où est la paix du travail quand l'entreprise même dans laquelle elle s'exerce est menacée par ses propres patrons? Une fois de plus, en mettant une fin brutale au processus de médiation, Swissmetal démontre que son conseil d'administration n'entend pas user, de quelque manière que ce soit, des traditions qui fondent le partenariat social à la sauce helvétique.

Dès lors, on comprend que les ouvriers ne soient pas tous d'accord de sacrifier le savoir-faire d'une région et toute une industrie locale contre la promesse vague de faire perdurer quelques dizaines d'emplois. Ce serait supposer que leur combat n'est que l'appel à l'aide du vagabond à la main charitable qui voudra bien se tendre. Or le soutien qu'ils ont reçu de la part de toute une région, de politiciens de gauche comme de droite, et de patrons pourtant peu enclins à s'aventurer sur le terrain politique, démontre qu'il s'agit d'autre chose. Le syndicat ayant pratiquement abandonné le terrain, les élus avoué leur impuissance, qui d'autre pourra les entendre?


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