Swissmetal Boillat | Fabienne Blanc-Kühn s'explique sur les tensions actuelles entre Unia et le personnel

«Personne ne voudrait d'une épave»

Source : Journal du Jura
Date : samedi 24 juin 2006
Auteur : Philippe Oudot
Copyright : Le Journal du Jura
Le torchon brûle entre le personnel de la Boillat et Unia. Surtout depuis que le syndicat a accepté d'entrer en matière sur les propositions de l'expert. Le point avec Fabienne Blanc-Kühn, membre du comité directeur d'Unia.
Depuis la reprise du travail, en mars dernier, des tensions entre les employés de la Boillat et le syndicat Unia sont apparues. Après le vote de suspension de la grève et d'entrée dans le processus de médiation, des voix se sont élevées à la Boillat pour dénoncer les pressions qu'aurait exercées Unia pour pousser le personnel à reprendre le travail. Depuis, ces tensions se sont accentuées et ont atteint leur paroxysme. Surtout depuis jeudi dernier, lorsqu'au terme de la séance de médiation, Swissmetal et Unia ont accepté d'entrer en matière sur les propositions de l'expert Jürg Müller, alors que les représentants de la Boillat y étaient opposés. Membre du comité directeur d'Unia, responsable du secteur Industrie, Fabienne Blanc-Kühn expose sa vision des faits.

- Madame Blanc-Kühn, lors de l'assemblée du personnel, lundi, passablement d'employés ont quitté la salle quand Renzo Ambrosetti (coprésident d'Unia, n.d.l.r.) a pris la parole. Un appel à la démission d'Unia a même été lancé. C'est la rupture avec les employés?

- La tension ne règne pas depuis des mois, mais depuis ces dernières semaines, et avec une partie seulement des employés. Il faut aussi remettre les choses dans leur contexte. L'assemblée durait depuis près de deux heures quand il a pris la parole, les gens avaient chaud, en avaient marre, et le match de foot Suisse-Togo avait commencé. Le climat était tendu au début, mais la commission d'entreprise a souhaité qu'Unia fasse partie des débats. Il faut aussi savoir que des critiques ont aussi été formulées à l'égard de la commission de négociation. Finalement, la discussion étant dans une impasse, les gens sont sortis plus par lassitude que par opposition à Unia.

- Les membres de la délégation du personnel à la médiation jugent que les propositions de l'expert sont insuffisantes. Comprenez-vous leur position?

- Je comprends qu'ils aient de la peine à admettre que la stratégie de Martin Hellweg n'est pas remise en cause. Mais ils doivent aussi voir que c'est la première fois que Swissmetal cède. En particulier sur la fonderie, qui sera maintenue à Reconvilier pendant plusieurs années.

- Ce n'est pas l'avis de Paul Sonderegger,ancien directeur de la Boillat. Dans la WochenZeitung, il affirme que ce ne sont pas des concessions, mais une obligation en attendant que le centre de transformation à chaud prévu à Dornach soit opérationnel...

- Il y a un immense fossé entre la vision défendue par les anciens responsables de la Boillat et le projet de Martin Hellweg, c'est évident. Son projet est sans doute fou, n'a pas l'adhésion des travailleurs est est difficilement réalisable. En attendant, l'important est que la fonderie soit maintenue pendant plusieurs années à Reconvilier.

- Mais le personnel s'est mis en grève pour la conserver, et pas seulement à moyen terme!


- C'est vrai qu'il n'y a pas de garantie pour l'éternité. Mais qui en a pour l'éternité? Même les banques et la chimie, qui font de gros profits, ne donnent pas de garantie.

- Vous misez donc plutôt sur le fait que la stratégie Hellweg sera un échec et que le groupe devra garder sa fonderie à Reconvilier s'il veut satisfaire ses clients...

- Exactement! Mais aujourd'hui, personne n'est en mesure de dire ce qu'il se passera d'ici à cinq ans. Pas plus Martin Hellweg qu'Unia ou le personnel de la Boillat. Dans ces conditions, les propositions de l'expert sont une bonne base pour aborder le futur.

- A Reconvilier, certains veulent poursuivre le bras de fer et pousser Swissmetal à la faillite, le but étant de permettre à la Boillat de renaître de ses cendres. Qu'en dites-vous?

- Unia s'oppose à toute tentative qui vise à fermer une entreprise, d'où qu'elle vienne. En terme de production industrielle, la Boillat a une importance régionale, mais aussi nationale. Il est donc essentiel de la conserver et d'y maintenir les emplois.

- Provoquer la faillite du groupe n'est donc pas une solution?

- Sur le plan matériel, les travailleurs ont tout à craindre d'une faillite, car il n'est pas sûr qu'ils en sortent gagnants lorsqu'il s'agira de produire ses créances. De plus, il faut être conscient qu'avant d'arriver à la faillite, Martin Hellweg ne laissera pas la Boillat telle quelle et fera tout pour déplacer ce qui est économiquement intéressant. Je doute donc fort que les repreneurs qui s'étaient manifestés en mars pour racheter la Boillat soient encore intéressés si les activités essentielles ont disparu et qu'il ne reste plus qu'une épave...

- Les commissions dénoncent aussi le fait que les contrats de réengagement ne respectent pas la CCT...

- Il faut savoir que la CCT règle les dispositions générales, qui sont ensuite concrétisées dans chaque contrat individuel. Lorsque j'ai constaté ce non-respect, j'ai demandé à l'association patronale Swissmem d'intervenir. Elle s'est adressée à la cheffe du personnel Laura Rossini qui a admis la chose, mais rien n'a changé. Nous demandons que Swissmem s'engage à faire respecter la CCT à son membre Swissmetal dans les contrats de travail individuels.

- Dans ces conditions, on comprend malgré tout la méfiance des commissions...

- Mais jusqu'à présent, ces dernières n'ont pas réagi alors même que de tels contrats existent depuis 2004 chez Swissmetal!

- Pas à Reconvilier, puisque le personnel s'y était opposé...

- Les gens nouvellement engagés depuis 2004 à Reconvilier ont aussi un tel contrat, et les commissions ne nous ont pas donné mandat pour s'y opposer. Dans ces conditions, Swissmetal a donc beau jeu de dire que cela n'a rien de nouveau.

- En attendant, il y a bisbille entre les commissions et Unia.

- Disons plutôt qu'il y a divergence d'opinion, et elles portent plutôt sur des questions de procédure que de fond - à savoir maintenir un maximum de postes de travail. Par exemple seuls quelques membres de la délégation de négociation rejettent les propositions de l'expert parce que la direction en a eu connaissance avant. En réalité, cette démarche pénalise les travailleurs et fait le jeu de la direction.

- Que conseilleriez-vous aux commissions qui vont formuler des contre-propositions à l'intention de l'expert?

- Qu'elles veillent à les formuler de manière réaliste et susceptibles d'être acceptées. Je leur rappellerais surtout qu'un des points essentiels des propositions de l'expert, c'est cet organe d'accompagnement chargé de surveiller la mise en application des propositions. C'est un avantage déterminant par rapport au protocole d'accord de 2004 qui, dans le fond, n'était qu'une déclaration d'intention, puisque rien n'avait été défini sur la façon d'agir en cas de divergences et la façon de concrétiser cet accord.

- Plus généralement, on vous a reproché d'avoir abordé ce conflit avec des instruments traditionnels, alors que c'est un conflit hors norme...

- Mais si tel avait été le cas, Unia ne serait pas intervenu pour soutenir les travailleurs qui se sont mis spontanément en grève! Je vous rappelle que la CCT de la branche établit la paix absolue du travail. C'est donc bien la preuve qu'Unia a abordé ce conflit exceptionnel de manière exceptionnelle! Les milieux patronaux ne se sont d'ailleurs pas gênés de nous attaquer sur ce point en disant qu'Unia avait outrepassé les limites et n'était plus un partenaire fiable avec qui on peut négocier!

- Quelles seront les conséquences de ce conflit sur le plan syndical?

- Le syndicat - mais aussi l'association patronale Swissmem - devront déterminer leur champ d'intervention dans ce type de conflit - qui reste très exceptionnel. Swissmem devra prendre ses responsabilités afin de maintenir le partenariat social.

Propositions pour l'expert


La commission d'entreprise et la représentation du personnel de la Boillat ont rencontré hier Rolf Bloch. Le médiateur leur a donné sa vision de ce que serait l'organe d'accompagnement proposé par l'expert Jürg Müller, quelle pourrait être sa composition, ses compétences. Comme nous l'a expliqué Mario Grünenwald, président de la commission d'entreprise, il devrait être composé de représentants de Swissmetal, de l'association patronale Swissmem, d'Unia, des commissions du personnel, ainsi que de personnes externes. Les commissions seraient les répondants de cet organe et lui signaleraient les éventuels problèmes. «Nous allons maintenant affiner nos contre-propositions que nous enverrons la semaine prochaine à l'expert Müller. Il nous donnera son avis, avant de les transmettre à Swissmetal, qui pourra alors se prononcer. Cela signifie que le personnel se déterminera une fois qu'il sera en possession de la réponse à nos contre-propositions.» Cela devrait se faire avant les vacances d'été.


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