Retour sur une grève de réaction à la mondialisation

Source : Le Courrier
Date : samedi 30 avril 2005
Auteur : Anne Virlogeux
Copyright : Le Courrier
«Quand la Boillat était en grève» revient sur les dix jours d'une grève d'un genre nouveau. Un ouvrage vivant, qui alterne témoignages et analyses.
«Froide matinée du 16 novembre, la révolte éclate. En moins d'un quart d'heure, Swissmetal à Reconvilier ne répond plus, ne bouge plus, ne produit plus.» Cinq mois après la fin de la grève historique des employés de l'usine «la Boillat», un livre, paru aux Editions L'Evènement syndical, retrace cet événement au jour le jour.

Le journaliste Pierre Noverraz, coauteur du livre, laisse la part belle aux témoignages des salariés. Diverses personnalités, dont la syndicaliste Fabienne Blanc-Kühn, complètent ces récits par des analyses sur les tenants et les aboutissants de cette grève hors norme. Les nombreuses photographies qui illustrent le livre permettent de vivre le mouvement «de l'intérieur». Rappel des faits: le 16 novembre 2004, le directeur du site André Willemin est congédié. Spontanément, tous les employés, de l'ouvrier au cadre supérieur arrêtent le travail. Les 400 salariés de l'entreprise annoncent une grève totale et illimitée. Pas tant pour défendre M.Willemin, dont les méthodes autoritaires n'ont jamais fait l'unanimité, mais en réaction à la politique de «dégraissage» du Chief Executive Officer en poste depuis juin 2004, Martin Hellweg. Gel des salaires pour deux ans, renvois de nombreux cadres supérieurs compétents, heures supplémentaires non payées, éloignement des sphères décisionnelles du terrain local... Les griefs à son encontre sont nombreux. Les salariés se préparent à une grève longue et difficile. Leur principale revendication: la tête de «Martinator». Le 21 novembre, le protocole d'accord négocié entre le syndicat Unia FTMH et la direction est rejeté. Au fil des jours, le soutien populaire aux grévistes prend de l'ampleur. Le 24, 5000 personnes manifestent dans le parc de l'usine. Enfin, le 25, après deux jours de médiation sous l'égide du Gouvernement bernois, un accord est conclu. Les salaires sont augmentés en moyenne de 1,8%, la direction renonce à toute mesure de représailles. Martin Hellweg n'est cependant pas congédié mais simplement «mis sous tutelle» avec la nomination d'un directeur du cru pour le site de Reconvillier. «Jamais un conflit du travail n'aura été à ce point médiatisé en Suisse», note Pierre Noverraz. Un intérêt des médias qui ne s'explique pas seulement par l'ampleur de la grève, mais bien par son caractère atypique. «C'est le monde du travail qui s'insurge contre les dérives globalisantes de la finance virtuelle, c'est la culture industrielle de proximité qui s'affronte au management hors sol», explique M. Noverraz. Les salariés protestent contre les conséquences concrètes des restructurations entreprises par M. Hellweg et plus largement contre cette dynamique même de globalisation. «On ne connaît même plus nos supérieurs hiérarchiques nommés sur le site de Dornach», témoigne un cadre administratif. Ce ras le bol est partagé. Outre le soutien populaire et institutionnel de la région, les salariés ont reçu l'appui de nombreux industriels de l'Arc jurassien. Le succès de la grève de Reconvillier remet-il pour autant en cause la paix du travail? Sans aucun doute, selon Paul Rechsteiner, président de l'Union syndicale suisse, qui parle d'une «abdication de l'absolutisme de la paix du travail». Même conclusion pour André Daguet, membre du comité directeur d'Unia: l'important n'est pas qu'une grève soit sauvage ou pas, mais que l'arrêt collectif de travail ait eu des motifs légitimes. «Dès lors qu'un employeur ne respecte pas les dispositions conventionnelles, le caractère sauvage de la grève devient secondaire dans les discussions entre patrons et syndicats», explique-t-il. Au-delà de ces considérations juridiques, c'est surtout la détermination et la dignité des salariés de Swissmetal qui est mise en avant. «En lisant ce livre, je constate que l'élément dominant de la grève a été la fierté des travailleuses et travailleurs», note Renzo Ambrosetti, coprésident d'Unia, qui a préfacé l'ouvrage. I

Note : «Quand la Boillat était en grève...». Editions L'Evènement syndical SA. A commander sur redaction@evenement.ch ou 0213211460/68. Prix: 20 francs + 3 francs de frais de port.


Article précédent | Article suivant | Sommaire des articles
Actualisé le 19.11.06 par webmaster
Haut de la page | Page précédente | 'Imprimer la page dans un format adapté à l'imprimante