Swissmetal | Swisscanto a vendu toutes ses actions

Les pressions ont porté leurs fruits

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Le Journal du Jura
Date : jeudi 31 août 2006
Auteur : Philippe Oudot
Important actionnaire de Swissmetal au début de la grève, Swisscanto a vendu toutes ses actions. Parce que l'investissement n'est plus intéressant, selon l'institution. En raison des pressions politiques, affirment d'autres observateurs.
Si Swissmetal semble continuer d'avoir le soutien des investisseurs - hier, l'action valait 18 fr. 10 à la clôture de la Bourse -, ce n'est plus le cas de Swisscanto. Organe de placements boursiers des banques cantonales, cette institution spécialisée dans la gestion de fortune institutionnelle vient en effet de lâcher Swissmetal. Porte-parole de Swisscanto, Beat Amstutz l'a en effet confirmé au JdJ.

Un revirement que celui-ci explique en affirmant que dans leur analyse sur la qualité des investissements, les responsables de l'institution ont jugé que ce placement n'était plus intéressant. «Pour un investisseur, un conflit qui dure aussi longtemps est un signal négatif. La rupture de la médiation par Swissmetal a aussi été un élément important dans notre décision», indique Beat Amstutz. Et les pressions politiques exercées sur Swisscanto? «Cela n'a eu aucune influence! Notre choix a été dicté uniquement du point de vue de l'investisseur.»

Une analyse qui fait doucement rigoler le député-maire de Moutier Maxime Zuber. Membre du comité de soutien à la Boillat, celui-ci était intervenu en février dernier pour dénoncer avec force l'attitude de Swisscanto. Au tout début du mois de janvier, alors que la seconde grève de la Boillat était sur le point d'éclater, Swisscanto était en effet devenu un des principaux actionnaires de Swissmetal, avec une participation au capital de 6,42%.

Un scandale

Comme le souligne Maxime Zuber, «c'est vrai que Swisscanto est une société indépendante qui peut investir comme bon lui semble sans en référer aux banques cantonales qui en sont les actionnaires. Mais il était pour le moins choquant de voir cette société d'investissement soutenir ainsi la politique de Swissmetal et servir les intérêts de Martin Hellweg». Pour les membres du comité de soutien, c'était d'autant plus inacceptable que Swisscanto est une des fondations de placement parmi les plus importantes en Suisse à gérer des fonds de pension.

Le comité de soutien à la Boillat avait alors demandé un entretien avec la direction de Swisscanto afin de la sensibiliser aux dangers que représentait la stratégie de Swissmetal pour la Boillat, et plus largement pour toute l'économie de l'Arc jurassien. Mais l'organe de placement boursier des banques cantonales avait sèchement répondu qu'il soutenait la stratégie de Martin Hellweg et qu'il n'avait nullement l'intention de se mêler des décisions opérationnelles de l'entreprise.

Gouvernement interpellé

Furieux, Maxime Zuber avait alors déposé une interpellation furibarde en demandant au Conseil exécutif, mais aussi à la direction de la BCBE (Banque cantonale bernoise), de prendre position sur un tel discours. Le député-maire de Moutier n'était d'ailleurs pas le seul à monter aux barricades. Des parlementaires jurassien, neuchâtelois et vaudois étaient également intervenus en haut lieu dans le même sens.

Sur ces entrefaites, la BCBE avait elle-même pris ses distances par rapport à la position de Swisscanto. Son porte-parole Hanspeter Merz avait notamment regretté pareille attitude. Dans la foulée, le groupe de soutien à la Boillat avait finalement pu avoir un contact direct avec la direction de Swisscanto afin de lui présenter sa vision des choses. Dans le canton de Neuchâtel, des clients de la Boillat étaient également intervenus auprès de leur banque cantonale pour qu'elle tente de ramener Swisscanto à la raison.

Retrait en deux temps

Des pressions qui, à l'évidence, ont eu un certain effet, puisque le 12 avril dernier, la participation de Swisscanto au capital de Swissmetal passait au-dessous de la barre des 5%. Le fonds de placement des banques cantonales a ensuite continué de suivre avec attention la situation, nous a indiqué Beat Amstutz. «Nous espérions que le processus de médiation mené sous l'égide de Rolf Bloch permettrait de résoudre le conflit», poursuit-il. Mais tel n'a pas été le cas, et suite à la rupture de la médiation, Swisscanto a finalement décidé de retirer ses billes.

«N'en déplaise à Beat Amstutz, relève Maxime Zuber, il est évident que les pressions politiques, mais aussi celles des banques cantonales de la région qui craignaient pour leur image, ont joué un rôle important. C'est cet effet boule de neige qui a conduit à ce changement d'attitude. Il aura fallu se battre, mais cette affaire démontre que s'il se mobilise, le pouvoir politique peut avoir un rôle non négligeable à jouer.»

Reste à savoir pourquoi les autres actionnaires continuent de faire confiance à Swissmetal. Un client de la Boillat juge que la situation est d'autant plus incompréhensible que la santé financière du groupe n'a rien de très encourageant. «Quand une société solide publie un résultat en deçà des attentes de la Bourse, le titre dégringole immanquablement. Or, dans le cas pourtant peu mirobolant de Swissmetal, rien ne bouge...»

Maxime Zuber tente une explication: dans le monde de la finance, beaucoup de choses se décident de manière irrationnelle ou intuitive et ne reposent sur aucune base objective. Actuellement, il y a apparemment quelques gourous qui affirment qu'il y a des profits à faire dans le secteur de la métallurgie. En clair: la «confiance» octroyée à Swissmetal serait donc totalement artificielle.


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Ressources liées

Swisscanto
BCBE
Actualisé le 19.11.06 par
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