Plus d'ordre et d'argent pour les familles et les retraités

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Le Temps
Mardi 16 octobre 2007
Auteur : Serge Jubin
Au centre commercial de Reconvilier, on réclame en même temps l'ordre prôné par l'UDC et les rentes sociales soutenues par la gauche.
Les brumes peinent à se déchirer, il fait frisquet en milieu de matinée, sur le parc du centre commercial de Reconvilier, à l'ouest du village, en direction de Tavannes. Une bonne excuse pour éviter de parler d'élections fédérales. En pays calviniste et besogneux, on est peu tenté par le débat politicien spontané. «Surtout que la Question jurassienne, il y a trente ans, a laissé de vilaines traces», argumente Philippe, qui passe son chemin. Parler politique ramène souvent au traumatisme des plébiscites d'autodétermination.

Parler de tout, mais pas de politique


Village rural et industriel de 2300 habitants, Reconvilier dispose depuis trois ans d'un centre commercial. «Preuve qu'il y a un marché de la consommation, Lidl s'installera en 2008», relève le maire, Flavio Torti.

Le centre commercial est à l'échelle du village: modeste, avec un magasin Coop, quelques boutiques, une cafétéria. C'est intimiste, chacun s'y salue. On vient y faire ses courses, rencontrer du monde, parler de tout et de rien. «Mais pas de politique», s'empresse de préciser une mère de famille, qui affirme «ne rien avoir à dire à ce propos» et avoir «mis les bulletins de vote au papier à recycler».

Les élections fédérales ne font guère recette à Reconvilier: moins de 40% de participation en 2003.


Pourtant, en insistant un peu, en promettant la «discrétion» - «Je n'ai pas envie qu'on sache que j'ai pu dire du mal d'un candidat», relève un monsieur, 72 ans, qui n'apprécie pas les socialistes - la discussion s'engage. «J'ai une connaissance qui a travaillé toute sa vie, mais qui ne s'en sort pas avec l'AVS, dit une femme, paysanne retraitée. Il serait décent d'augmenter l'AVS de 500 francs.» Peut-être parle-t-elle d'elle. «Il y a les prestations complémentaires», dit la voisine. «Oui, mais c'est dégradant d'aller se mettre à genoux. Je préfère manger de la soupe tous les jours plutôt que de quémander.»

«J'ai suivi le débat à la télévision, raconte une autre femme, la cinquantaine, à la table voisine. Le congé parental pour le père, ce serait une bonne chose. J'ai un fils qui bosse en usine, je suis persuadée qu'il apprécierait.»

Le monsieur qui lui fait face, horloger retraité qui avoue «réparer des montres au noir», rétorque: «D'accord pour deux ou trois jours de congé. Mais la place d'un homme, c'est au travail.»

Votera, votera pas

«Je suis pour soutenir les familles, reprend la dame. Et pour que le revenu du mari soit suffisant afin que la femme ne soit pas obligée de travailler.» On hoche de la tête autour de la table.

Plus loin, un jeune couple feuillette les journaux. «Mon mari votera, moi pas.» L'homme, en recherche d'emploi, déclare soutenir l'UDC. «On a besoin d'ordre, de faire le ménage. Dans les administrations et avec les étrangers. Blocher est le seul qui ose.» Puis: «La gauche ne défend pas les ouvriers, elle ne fait que sauvegarder les privilèges des fonctionnaires. Les Verts vont trop loin. Des interdits, des taxes et des amendes. Ce n'est pas avec ça que la Suisse ira mieux.»

Après un long silence, l'horloger retraité reprend: «On nous dit qu'il n'y aura peut-être plus de représentant du Jura bernois à Berne. Peu importe. On ne peut pas compter sur les politiciens une fois élus au Palais fédéral. On s'en est rendu compte dans l'affaire de la Boillat. Ça fait de la misère, et personne pour oser contrer le pouvoir de l'argent.» Se serait-il emporté? L'homme se ravise. Dit qu'il ne faut pas tout noter. Que les mots dépassent sa pensée. Que, finalement, «pourvu que mon AVS ne diminue pas...»


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