Résultats financiers de Swissmetal

Management satisfait

Sourc et copyright :
Le Journal du Jura
Mercredi 25 avril 2007
Auteur : Philippe Oudot
Swissmetal tire un bilan positif pour 2006: le chiffre d'affaires a augmenté de 80%, et le bénéfice de 39%. Mais le processus de restructuration et de réorganisation n'est pas encore achevé.
Même si la grève de la Boillat a perturbé la mise en application de la stratégie de Swissmetal, «nous maintenons bien le cap», a annoncé Friedrich Sauerländer, président du conseil d'administration, en ouvrant la conférence de presse.

Le CEO Martin Hellweg a rappelé que cette stratégie vise à faire du groupe un pôle d'excellence reposant sur trois piliers: la production et le développement de produits semi-cuivreux grâce à ses trois sites de productions de Reconvilier, Dornach et Lüdenscheid, et celui que le groupe pourrait ouvrir cette année encore en Asie, là où la croissance est la plus forte. Ensuite, grâce à l'acquisition de la société américaine Avins, Swissmetal veut développer ses activités dans le commerce de produits semi-cuivreux fabriqués par la concurrence, afin de proposer à ses clients une palette complète de produits. Enfin, Swissmetal mise également sur le design, un secteur à forte valeur ajoutée et qui a un potentiel de croissance important.

Martin Hellweg a souligné qu'en dépit de la grève de l'an dernier qui a freiné la mise en application de sa stratégie, le management de Swissmetal peut toujours compter sur le soutien de ses investisseurs.

Vice-président du groupe, Volker Suchordt a donné quelques précisions sur l'avance des travaux concernant la nouvelle presse à extrusion à Dornach. Cette machine de 480 tonnes, d'une puissance de 5000 tonnes, est en cours de montage. Les premiers essais sont prévus en juin. Elle devrait être opérationnelle au cours du 1er semestre 2008 et remplacer cinq autres anciennes presses à Reconvilier et Dornach. Les gains de productivité attendus devraient entraîner des pertes d'emplois, raison pour laquelle Swissmetal négocie un plan social.

Pour sa part, Greg Himstead, vice-président du secteur des activités de commerce, a expliqué que cette division offrait d'intéressantes perspectives de croissance, les clients appréciant d'avoir à disposition des produits complémentaires à ceux de Swissmetal dont ils ont besoin. Ces activités vont se concentrer sur les principaux marchés: USA, Allemagne, Suisse, France, Italie, Inde et Chine. Et de relever qu'Avins dispose d'une solide expérience dans ce domaine, puisque 60% des produits qu'elle distribue en Amérique du Nord viennent déjà d'autres fournisseurs.

Chef du développement et de la communication, Sam Furrer a insisté sur la volonté de Swissmetal de motiver son personnel pour qu'il s'identifie à l'entreprise. D'où une communication interne renforcée, le programme de bonus pour cadres «Nordstern» introduit en 2006, et un programme d'acquisition d'actions à prix préférentiel pour le personnel, qui va démarrer ce mois encore.

Il y a loin de la coupe aux lèvres

Editorial

Tout va très bien, Madame la Marquise... Hier, en présentant les résultats 2006 de Swissmetal, ses dirigeants ont brossé un portrait résolument optimiste de la situation. Le bénéfice (4,6 mios) n'a-t-il pas augmenté de 39%? Ressassant la même rengaine, ils ont rappelé que sans cette maudite grève, les résultats auraient été bien meilleurs encore. Mais ils le seront bientôt, grâce à la mise en application de la si pertinente stratégie arrêtée par le conseil d'administration. Ainsi donc, lorsque la restructuration du groupe sera achevée, Swissmetal promet des lendemains qui chantent.

N'en déplaise à ces brillants managers, rien n'est moins sûr. Il suffit de gratter un peu les chiffres pour s'en rendre compte. Sans la vente de métaux en stock pour plus de 23 mios de francs, le résultat opérationnel aurait été négatif, et le bénéfice se serait transformé en perte sèche. Et que dire de l'endettement, qui a augmenté de 129% - et même de 153% pour la dette à court terme? Quant à la valeur ajoutée brute (VAB), elle n'atteint que 118 mios au lieu des 135 mios inscrits au budget, alors même que la conjoncture était excellente.

Sur le terrain, la réalité est pire encore. Malgré les dénégations du CEO Martin Hellweg, Swissmetal connaît de gros problèmes de qualité et n'arrive plus à fabriquer certains alliages à très haute valeur ajoutée que proposait la Boillat. Sans parler du service après-vente, désormais quasi inexistant. Bref, les prestations de Swissmetal n'ont plus rien à voir avec celles qu'offrait la Boillat à ses clients (voir Le JdJ d'hier). Et pour ne rien arranger, la disparition prochaine de toutes les activités de transformation à chaud n'est pas faite pour rassurer et motiver les collaborateurs qui travaillent encore sur le site. Sous les coups de boutoir de Martin Hellweg & Co, le fleuron industriel qu'était la Boillat est bel et bien mort. Ne reste plus qu'un vague site de production à l'avenir des plus incertains. Et pendant ce temps, les investisseurs continuent de fermer les yeux, l'action flirtant toujours avec des sommets.

Entretien avec Martin Hellweg

«La grève a laissé un traumatisme»

JdJ: - L'an dernier, vous aviez annoncé avoir décroché des contrats pour deux alliages à forte valeur ajoutée: le CN8 pour l'aéronautique et à l'industrie pétrolière, et le NP6, pour la connectique. Où en est la production?
Martin Hellweg: - Ces alliages sont encore en phase d'homologation auprès de ces clients. Pour l'heure, ils dégagent encore un chiffre d'affaires modeste, car ces processus sont longs et complexes. Pour homologuer du CN8 chez Airbus ou Boeing, cela peut prendre des années! Nous sommes donc encore en phase de démarrage, mais avec de très intéressantes perspectives à terme.

- A la Boillat, on dit qu'aujourd'hui, plus personne ne maîtrise la fabrication de ces alliages spéciaux...

- Non, il n'y a pas de problème avec le CN8. Mais c'est vrai qu'il y a eu quelques difficultés temporaires avec le NP6, comme il y en a eu avec le C97 et C98 dans le domaine de la connectique.

- Et le B05 (bronze de connectique) dont on dit qu'il casse comme du verre au laminoir parce que le processus de fonte ne serait plus maîtrisé?

(Haussement d'épaules). - C'est un produit de niche, qui a certes son importance mais qui ne pèse pas lourd en termes de chiffres d'affaires. Cela n'a rien à voir avec des alliages comme le C97 ou le C98.

- L'an dernier, vous aviez affirmé vouloir mettre en application de façon volontaire les recommandations faites par l'expert industriel Jürg Müller pour relancer le site de Reconvilier. On est loin du compte, non?
- Pas du tout! Aujourd'hui, toutes ses recommandations sont appliquées ou en passe de l'être! La seule qui ne l'est pas encore est la nomination d'un responsable de site permanent. Ce poste est temporairement occupé par Monsieur Weidlich, et nous cherchons toujours un chef qui réponde à la fois à nos exigences et soit à même d'avoir l'adhésion du personnel et de le motiver.

- A ce propos, on entend beaucoup d'employés de la Boillat dire qu'ils sont totalement démotivés...
- Combien sont-ils? Tout dépend avec qui vous discutez. Mais c'est vrai que la grève a laissé un traumatisme. Il faudra encore du temps pour que la plaie soit totalement guérie. Mais les investissements que nous prévoyons à Reconvilier devraient y contribuer.

- Sur les 28 mios investis en 2006, il n'y en a eu que deux à la Boillat. Les investissements seront-ils plus importants ces prochaines années?

- Pas tellement en termes de montants, car nous avons toutes les machines nécessaires, mais plutôt en termes d'efforts pour transformer l'usine 2 afin d'améliorer le flux de production.

- Quels projets pour l'usine 1?
- Encore rien de concret, mais des scénarios possibles. Par exemple un centre qui pourrait être à disposition de nos clients, ou éventuellement un dépôt pour les produits achetés à d'autres fabricants et que nous allons vendre.

- Qu'en est-il de votre projet de fabrication d'ébauches en acier inox pour pointes de stylo afin de devenir fournisseur unique?
- Celui que nous avions en Suisse a été stoppé, car il y en a un autre à Lüdenscheid, qui va devenir notre centre de compétences pour les instruments d'écriture. Il se poursuit pour le moment, mais c'est aussi possible que nous nous contentions de commercialiser des ébauches en acier qui seraient fabriquées ailleurs.

Analyse d'un membre de l'Association nouvelle Boillat

Le groupe survit à coups d'artifices

Créée en vue de l'assemblée générale des actionnaires de l'an dernier, la Nouvelle Boillat examine avec un regard critique les chiffres que présente tous les trois mois Swissmetal. Membre du comité, X. Y. (nom connu de la rédaction) constate que «les chiffres présentés hier tiennent de la propagande, pour pas parler de mensonge éhonté, plutôt que de résultats comptables objectifs et corrects».

Alors que le management tente de faire croire que la situation du groupe va mieux, il n'en est rien, souligne-t-il. Certes, relève-t-il, «annoncer une hausse du chiffre d'affaires de 80%, ça fait bien dans le paysage, mais cela n'a aucune signification sur la marche de l'entreprise». En revanche, la VAB est un excellent indicateur.Dans ce contexte, rappelle-t-il, le budget 2006 de Swissmetal - établi alors que le groupe n'avait pas encore acquis Busch-Jaeger, prévoyait une VAB de 135 mios. «Or, malgré l'apport de l'usine allemande, il manque 17 mios par rapport à l'objectif, puisque la VAB plafonne à 118 mios! C'est donc un résultat misérable!»
Poursuivant son analyse, notre interlocuteur dissèque le revenu supplémentaire engrangé grâce à la vente de métaux. «Une vente que Swissmetal justifie sous prétexte d'optimisation des stocks mais que je qualifie plutôt de dilapidation du patrimoine», assène-t-il. Sur les 23,5 mios engrangés, environ la moitié est du bénéfice net, puisque les prix des matières premières ont quasi doublé. En retranchant 12 mios (Swissmetal admet 10,5 mios) au résultat opérationnel (10,2 mios), celui-ci devient négatif, et le bénéfice net annoncé se transforme et déficit (entre 6 et 7,4 mios, selon les chiffres).

Par ailleurs, ajoute-t-il, le groupe s'est très fortement endetté l'an dernier, la dette passant de 39,4 à 90,3 mios en une année, soit une augmentation de 129%. En fait, «on peut affirmer que le groupe Swissmetal a survécu l'an dernier grâce à l'apport massif de fonds étrangers et à la vente d'une partie de son patrimoine».

S'agissant des perspectives pour 2007, que Swissmetal présente sous un jour positif, notre interlocuteur constate que c'est loin d'être le cas: en extrapolant la VAB enregistrée au 1er trimestre (34,3 mios réalisés en 65 jours ouvrables), Swissmetal ne devrait guère faire mieux qu'en 2006. «C'est d'autant plus inquiétant qu'avec Avins, le groupe devrait pouvoir compter sur des revenus supplémentaires, et qu'il n'a plus l'excuse de la grève pour justifier ses piètres résultats.»

Enfin, notre interlocuteur constate que Martin Hellweg n'est de loin pas le sauveur qu'il prétend être. La preuve? Depuis qu'il a pris les commandes du groupe, en 2004, la valeur ajoutée brute par collaborateur a reculé, passant de 137 000 fr. en 2004, à 133 000 en 2006...



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Actualisé le 25.04.07 par webmaster
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