La cavalcade du taureau Marthin...

Courrier des lecteurs

Source : Courrier des lecteur
Le Progrès / Courrier
Jeudi 15 mars 2007
Auteur : Pierre Gigandet
Il y a quelques mois, dans une étable du petit village de Saules, naquit un veau mâle (un mèssia en patois). Couché dans la paille fraîche et sèche renouvelée souvent, nourri d'un lait généreux additionné d'oligo-éléments, il grandissait à vue d'oeil et faisait la fierté du paysan.
Il avait assez mauvaise tête, chahutant, beuglant pour un oui, pour un non, et jamais content. Au printemps on le mit au pâturage du côté de Chaindon, là où l'herbe est tendre et touffue. Il fallut aussi le baptiser. Le petit-fils de l'éleveur opta pour Martin, mais sa sueur voulu à tout prix y ajouter la lettre H. Ne voulant pas de quiproquo, le paysan mit le H entre le T et le I, de sorte cela donna Marthin. Le taurillon vindicatif, parfois agressif avec ses proches se distingua bientôt par une tête de cochon, ne voulant pas obéir, se révoltant sans cesse et donnant des coups bas à droite et à gauche. Au pâturage il voyait quotidiennement les bâtiments de la Fonderie et quand il ruminait c'est d'un œil noir qu'il regardait la Boillat!

Promis comme tous ses congénères à l'abattoir et devenu bien gras et bien musclé avec cependant pour ceux de sa race une grosse tête, il dû prendre bientôt le chemin de la boucherie du Moulin de Loveresse. Chargé de force dans le van il frappa de toutes ses forces contre les parois, mais arriva de gré ou de force devant l'abattoir. Semblant calmé il fut sorti de la benne sans trop de précaution, sautant alors d'un formidable bond, il renversa tout sur son passage et partit à toute pompe du côté de Reconvilier. Fit un tour autour de Boillat 2, enfila une rue du côté du Home du Petit Marais, pensant apercevoir peut-être un ou deux retraités de Swissmetal, semant la panique dans le village, poursuivi par les agriculteurs, la police locale, mettant en émoi, une fois de plus, les licenciés, les cadres au chômage et même le maire Torti, qui n'est surtout pas un tordu et n'esquive pas ses responsabilités. Il faut, dit celui-ci, téléphoner à Sarko, il peut nous aider. On appelle Neuilly et Monsieur-Je-sais-tout répond: «Je vais vous aider, je sais comment faire, j'ai mobilisé un escadron de gendarmerie pour retrouver le scooter de mon fils, je vais vous envoyer le GIGN (groupe spécial français d'intervention dans les prises d'orages et détournement d'avions)». Ce qui fais sauter en l'air le Daniel, ancien maire et nouveau conseiller, qui prend son mégaphone et se met à hurler: «Arrêtes-toi espèce de taureau d'mes deux, je vais t'attraper tôt ou tard!».

Mais Marthin court de plus belle, sautant la Birse sans se mouiller, remontant le pâturage du Droit, allant même, oh! Sacrilège, pisser contre le mur de l'église vénérée de Chaindon! Puis redescendant sur Saules, allant jeter l'effroi aux ouvriers du Béat qui reconstruisent la scierie incendiée l'an passé. Mais alors que Marthin se croyait hors d'atteinte, il croise les cadres supérieurs licenciés de la Boillat, qui se sont reconvertis en cow-boys, ont appris à manier le lasso et qui sur leurs destroyers de race «Franches-Montagnes» lui barrent le passage. Ils forment le carré comme sous Napoléon, et lancent un premier lasso qui ralentit Marthin, un deuxième l'arrête ferme et un troisième le couche au sol. On le ligote et court chercher Nicolas qui, muni d'un grand couteau, attendant cet instant depuis longtemps, le saigne sans pitié ni état d'âme. Marthin est descendu à la boucherie où Paul, l'ancien et bon directeur de la Boillat, refuse tout éloge funèbre. Un sang noir, épais et visqueux s'écoule de la blessure et sent très mauvais.

Lorsque le boucher ouvre la bête pour l'éviscérer, il trouve le foie tout vert, inconsommable et cherche le cœur longtemps. Il trouve enfin un petit muscle de la grandeur du poing, anémié, racorni et semble avoir souffert de la cavalcade. Aux dernières nouvelles, les bons morceaux iraient aux barons de la finance à Zurich. Les os, avec un peu de viande seraient cuits dans la marmite de la «Lingotière» remise en service pour l'occasion. Une soupe serait cuisinée et distribuée gracieusement à tous les laissés pour compte de Swissmetal et une louche de ce potage envoyée à Dornach. R.I.P taureau Marthin.

Toute ressemblance avec un bovin existant ou ayant existé serait fortuite.



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