Le personnel de la Boillat à Reconvilier veut se donner le temps de la réflexion

Les membres de la direction et les cadres actuels de l’usine Boillat ont été exclus de l’assemblée

Source : Le Quotidien jurassien
Date : mardi 20 juin 2006
Auteur : Dominique Bernardin
Copyright : Quotidien jurassien
Le personnel de la Boillat s’est réuni à huis clos lundi après-midi pour entendre les propositions de l’expert industriel Jürg Müller. Alors que la majorité des observateurs attendait une prise de position des employés de l’usine de Reconvilier, sous la forme d’un vote à l’issue de la séance, les participants ont décidé de s’accorder un délai de réflexion d’une semaine.
Ils ont estimé qu’ils ne pouvaient se prononcer immédiatement sur les recommandations de Jürg Müller: «Swissmetal et Unia ont appris ces propositions plusieurs jours avant la séance de médiation de jeudi dernier. Ils avaient donc eu tout le temps d’élaborer leur réponse. Nous estimons que nous avons nous aussi droit à un temps de réflexion», déclarait un membre de la représentation du personnel. Une nouvelle assemblée générale aura donc lieu en début de semaine prochaine. Elle devrait s’achever par un vote.

D’ici là, les commissions d’entreprise vont étudier attentivement les propositions et décider de leur position. Leurs membres vont aussi élaborer des contre-propositions. «Nous ne pouvons encore rien en dire aujourd’hui. Mais elles iront certainement dans le sens du protocole d’accord de 2004.» Pour mémoire, il proposait plus d’autonomie opérationnelle et décisionnelle au site de Reconvilier et garantissait sa pérennité.

L’encadrement et plusieurs ouvriers quittent la salle

La séance a débuté dans une atmosphère extrêmement pesante. Quelques minutes après le début de l’assemblée, les membres de la direction et les cadres de la Boillat – une dizaine de personnes dont le directeur du site Henri Bols – ont quitté la salle sous les huées. Ils en avaient été «priés» par l’assemblée. Aucune des personnes ainsi exclues n’a voulu faire de commentaire.

Puis quelques ouvriers sont également sortis de la salle communale qui abritait l’assemblée. Tous ne s’en allaient pas pour les mêmes raisons. Certains sont partis parce qu’ils désapprouvaient l’éviction de la direction et des cadres et parce qu’ils sont favorables aux propositions de l’expert et souhaitent travailler, même si les conditions ne sont plus celles d’antan.

Pourtant très active au début de la grève, une employée expliquait son geste: «Hellweg, c’est l’homme le plus méchant du monde, c’est vrai, mais c’est quand même lui qui nous verse nos salaires.» Un autre renchérissait: «Moi j’ai des gamins et j’ai envie de les emmener en vacances. C’est pas ceux qui ont été licenciés et qui causent ni les commissions qui vont me les payer.»

Les dirigeants d’Unia montrés du doigt

D’autres, très en colère, ont quitté l’assemblée après des reproches. Quelqu’un dans la salle avait notamment demandé que Nicolas Wuillemin et certains ouvriers licenciés ou interdits de site s’en aillent. Le leader charismatique du mouvement est resté, quelques autres sont partis.

La plus grande désaffection s’est toutefois produite lorsque les représentants d’Unia ont voulu s’exprimer, le coprésident Renzo Ambrosetti en particulier. Beaucoup accusent en effet le syndicat d’avoir une nouvelle fois lâché la Boillat. Les plus virulents clament qu’Unia est devenu l’allié de Swissmetal.

Sauver un savoir-faire vital pour toute une région

D’autres, plus modérés, déclarent: «Avant de dire qu’ils étaient d’accord avec les propositions de l’expert, ils auraient dû nous demander notre avis. Ils devraient quand même travailler avec nous et pour nous.» Renzo Ambrosetti n’y a pas vu un désaveu: «J’ai répété que les propositions de Jürg Müller sont pour Unia une bonne base de travail pour envisager l’avenir de la Boillat. Les procédures sont peut-être différentes, mais le but reste le même, garantir le maximum de places de travail.» C’est peut-être là que se situe la plus grande incompréhension. «Unia ne parle que du nombre de places de travail. Ce que nous voulons nous, c’est sauvegarder une entreprise et un savoir-faire connus et reconnus mondialement. C’est l’économie de toute une région qui est en jeu», rappelait un cadre encore engagé à la Boillat.



«La marge de manœuvre est très mince»

L’expert industriel Jürg Müller était venu présenter ses propositions. Elles prévoient notamment que la Boillat conserve une fonderie pour ses spécialités pendant quatre ou cinq ans, que des employés et des cadres licenciés soient réengagés et qu’un «chef d’usine» soit nommé pour le site.

Pendant une bonne heure, l’expert a expliqué par le menu les conclusions qu’il avait tirées de son analyse de la situation à Reconvilier. La qualité et l’honnêteté de son rapport ont été reconnues. «Il a fait correctement son travail. Ses explications ont été très claires. Il a fait les mêmes constatations que celles que nous avons toujours exprimées», avouait un cadre licencié.

Un membre de la délégation de la Boillat tempérait toutefois le propos. «Il est trop formaliste. Il l’a bien dit: on est en Suisse et dans ce pays on ne remet pas en cause la stratégie décidée par une direction d’entreprise ou par son conseil d’administration. Ses propositions sont inacceptables, parce qu’elles sont trop floues et n’offrent aucune garantie.»

Des garanties très précises, c’est justement ce que veulent les gens de la Boillat. On leur en avait donné au moment de la signature du protocole d’accord de 2004. L’histoire a montré comment Martin Hellweg les a balayées d’un revers de la main. A Reconvilier, on n’a pas oublié. On n’accorde plus aucune confiance au directeur général de Swissmetal, ni au conseil d’administration. Ce fait a marqué profondément Jürg Müller: «Ce manque de confiance visible, c’est affreux. J’ai peur qu’on ne puisse pas aller plus vite à cause de ce manque de confiance. On doit rebâtir une certaine confiance, sinon on n’a aucune chance. Mais je crains que la marge de manœuvre ne soit extrêmement mince.» Elle l’est en effet car beaucoup, à la Boillat, ne veulent plus entendre parler de travailler avec Swissmetal.


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