Unia et la Boillat: un appareil syndical dépassé par les événements?
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Source : Le Courrier
Date : samedi 17 juin 2006
Auteur : Luc-Olivier Erard
Copyright : Le Courrier |
La séance de médiation entre Swissmetal et les ouvriers de son usine du Jura Bernois a vu Unia se ranger derrière la direction au nom du maintien des emplois. La séance de médiation de jeudi dernier qui a réuni la direction de Swissmetal, les ouvriers de l'usine Boillat et le syndicat Unia sous l'égide de Rolf Bloch a abouti à des propositions de sortie de crise. Elles consistent notamment dans le réengagement d'une trentaine de licenciés et dans le redémarrage de la fonderie pendant quatre à cinq ans. Si Unia salue ces propositions dans un communiqué, la délégation des ouvriers est restée muette: une assemblée du personnel se tiendra lundi afin que l'ensemble des ouvriers qui travaillaient en date du 25 janvier dernier puissent se prononcer.
«Si les syndicats ne se montrent pas plus durs envers les patrons, je crois qu'il vont dans le mur»
Les propositions du groupe se basent notamment sur le rapport d'un expert appelé par Rolf Bloch à la rescousse, afin d'examiner les conditions de production dans les usines depuis la reprise du travail. Il n'a pas été publié.
Le problème, c'est que beaucoup d'ouvriers voient dans l'optimisme affiché par Unia un empressement à s'acheminer vers la fin du conflit.
Toujours persuadés que le but de Swissmetal est de fermer l'usine au profit des autres unités du groupe, ils reprochent à Unia une impuissance liée à ses liens avec le patronat. En effet, en vertu de la convention collective (CCT) en vigueur, le syndicat reçoit 5 francs par mois pour chaque ouvrier soumis à la CCT des machines, une somme qui représenterait environ 9 millions de francs dans son budget.
Du coté de Reconvilier, certains ténors du mouvement estiment que le syndicat «s'est couché» devant Swissmem, représentant l'industrie des machines dans la négociation de la CCT, estimant que celle-ci était menacée si Unia persistait à soutenir les ouvriers de Swissmetal. «Si les syndicats ne se montrent pas plus durs envers les patrons, je crois qu'il vont dans le mur», explique l'un d'eux.
Au comité directeur d'Unia, Fabienne Blanc-Kuhn dément cette interprétation: «Ce sont des salades. Il n'y aucun lien entre la contribution en question et notre position. Mais je comprends qu'on dise cela. La situation est tellement difficile pour tous qu'il faut bien y trouver une raison.»
Il n'empêche: les promesses du syndicat de tenir «aussi longtemps qu'il le faudra», faites au début du conflit, ont duré un mois, avant qu'un sec «ça suffit de jouer aux héros» lancé par le coprésident d'Unia, André Daguet, conduise les ouvriers à reprendre le travail sous peine d'être lâchés par le syndicat. Pour Fabienne Blanc-Kuhn, l'explication ne ressort pas de liens supposés incestueux entre patronat et syndicats. «Il s'agit plutôt de savoir si un syndicat peut préférer la mort d'une entreprise à la sauvegarde d'autant d'emplois que possible. Quoi qu'on en pense d'un point de vue moral, la réponse est non.»
Dans ces conditions, le risque majeur, c'est l'impasse: les ouvriers sont convaincus qu'on s'apprête à vider l'entreprise de sa substance dans le but de la fermer. Et le syndicat continue d'agir avec ses seuls outils, qui semblent plus à même de lutter contre une «simple» restructuration que contre le démantèlement d'un site au profit d'autres usines.
«Il s'agit plutôt de savoir si un syndicat peut préférer la mort d'une entreprise à la sauvegarde d'autant d'emplois que possible»
Le divorce entre syndicat et employés n'est donc pas loin: sur le blog «une voix pour la Boillat», une centaine de commentaires sont apparus en quelques heures après l'annonce par Unia de son «optimisme» à la suite de la séance de jeudi. Ils sont pratiquement tous très virulents à l'égard du syndicat. Fabienne Blanc-Kuhn balaye d'un revers de main ces considérations, qui seraient le fait «d'une petite minorité d'ouvriers, les plus loquaces».
«S'il y avait une solution simple, elle serait apparue. Je reconnais les limites des uns et des autres. Il y a peu d'alternatives à part celle de militer pour conserver des emplois. Une plate-forme minimale avec des structures de contrôle démocratique permettra, même si c'est plus lentement qu'on le voudrait, de consolider cette boîte.»
L'enlisement du conflit à la Boillat a mis cruellement en relief les limites du syndicat mandaté par les ouvriers. Plusieurs permanents syndicaux le reconnaissent d'ailleurs, sans aller jusqu'à dénoncer publiquement les insuffisances de l'action menée par leur employeur. Très nombreux sur le site pour soutenir jour et nuit les ouvriers, certains déchantent en tout cas devant la tournure des événements.
Au sein d'Unia, l'affaire n'en restera pas là, promet Fabienne Blanc-Kuhn: «Au niveau syndical, une très grosse équipe est mobilisée sur Swissmetal. Nous ne sommes pas encore au clair sur les solutions pour agir de manière plus pointue et éviter qu'un conflit de cette nature ne traîne aussi longtemps. Mais nous avons bien l'intention de construire d'autres outils pour y parvenir.»
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